" Osons un débat éclairé "

Afrique : trois leviers pour sécuriser la croissance

Alors que l’Afrique subsaharienne est de nouveau frappée par le terrorisme, on peut espérer dans la capacité de résilience des pays de la sous-région. La Côte d’Ivoire en est un exemple, qui renoue avec la croissance après dix ans de crise politique. Les autres pays d’Afrique subsaharienne, qui avaient connu une période de croissance soutenue durant les années 2000, ont été frappés au tournant de la décennie par la chute du cours des matières premières, et certains, par des conflits et l’épidémie d’Ebola. Néanmoins, la croissance moyenne prévue dans la région pour 2017 est de près de 5 %, un taux enviable par nos standards. Il est vrai qu’une fois tenu compte de la croissance démographique, la croissance du niveau de vie par habitant n’est plus que de 2 %.

En effet, l’Afrique subsaharienne compte aujourd’hui 200 millions de jeunes entre 15 et 25 ans ; ils seront 300 millions dans vingt ans. Ces jeunes doivent s’insérer dans la société. Or le secteur pétrolier ou minier crée peu d’emplois. Le gros des emplois se situe dans l’agriculture (60 %) et les entreprises individuelles du secteur informel (20 %). Le secteur salarié « moderne » est donc réduit à la portion congrue.

Dans ces conditions, quels sont les leviers d’une croissance durable car créatrice d’emplois ? Les Rencontres économiques de Dakar, du Cercle des économistes, se sont penchées sur cette question.

Premièrement, il faut augmenter la productivité de l’agriculture et, pour cela, investir dans l’eau. Plus généralement, l’accès à l’eau est un impératif de santé publique, alors que 60 % des habitants d’Afrique subsaharienne ont accès à de l’eau potable. L’assainissement de l’eau est également un élément clef de la lutte contre les maladies endémiques, or seulement un tiers des habitants ont accès à des toilettes aménagées. Des initiatives se font jour pour ces ressources vitales que sont l’eau ou l’électricité, alliant un financement public-privé, des technologies innovantes adaptées au contexte (comme des micro-unités solaires non raccordées au réseau) et un soutien politique fort.

Les femmes africaines ont un taux de participation au marché du travail élevé ; elles sont pour la plupart agricultrices ou entrepreneuses individuelles dans des activités informelles. Leur accès aux ressources est souvent contingent à leur statut marital (les veuves peuvent perdre le droit à leur maison et à la terre) ; le degré de contrôle sur les revenus qu’elles gagnent dépend de l’inégalité au sein du ménage. Une sécurisation juridique de leur accès aux ressources et une meilleure information sur leurs droits en tant que femmes (dans des pays où souvent, un quart des jeunes filles de moins de 20 ans ont déjà un enfant) seraient utiles et leur permettrait de sortir des activités moins rentables où elles sont cantonnées.

La formation de cohortes massives de jeunes est un défi. Certes, les pays d’Afrique subsaharienne ont remarquablement progressé en matière de scolarisation primaire : 70 % des enfants ont achevé l’école primaire en 2011, contre 51 % en 1990. Mais une grande partie des élèves ne poursuivent pas leurs études au-delà de l’école primaire. Moins de 5 % de la classe d’âge en moyenne arrive jusqu’à l’université.

L’enjeu est de préparer les jeunes aux emplois qu’ils exerceront. Au vu de la structure du marché du travail, les jeunes actuellement en formation seront amenés plus probablement à créer leur emploi plutôt qu’à être embauchés dans une entreprise.

L’accent mis sur une croissance créatrice d’emplois met en valeur l’importance du secteur informel. Dans cette perspective, les politiques publiques pourraient proposer aux entreprises informelles des conditions plus stables de fonctionnement : par exemple, un statut d’autoentrepreneur assurant une sécurité juridique et conférant un accès prioritaire à l’électricité ou une assurance individuelle.

Les Thématiques