" Osons un débat éclairé "

Alstom malade du trop d’Etat

An unionist takes part in a general meeting against the closure of the French power and transport engineering company Alstom factory in Belfort, eastern France on September 13, 2016.  France's Socialist government was at loggerheads with Alstom on September 13 as Prime Minister Manuel Valls said the train manufacturing giant's plan to close a historic plant, which employs some 400 people, was "out of the question". Alstom said the week before that it would be "impossible" to continue operations at the site.  / AFP PHOTO / SEBASTIEN BOZON

L’annonce faite par Alstom de la fermeture de l’usine de fabrication de locomotives à Belfort relance, à un moment politique particulièrement délicat, la controverse sur l’existence ou non d’une politique industrielle française, de sa légitimité, de sa rationalité. Toute l’histoire d’Alstom nous ramène à cette question, celle de l’effroyable complexité de la gestion des participations de l’Etat avec pour corollaire le nécessaire allégement et le recentrage de ces participations.

Alsthom était au départ une entreprise de construction mécanique et électrique qui devient en 1969 une filiale de la toute-puissante Compagnie Générale d’Electricité. Il fusionne ensuite avec les Chantiers de l’Atlantique. En 1982, cet ensemble est nationalisé au prétexte d’un nécessaire contrôle étatique des activités stratégiques ; il sera privatisé en 1987 après être entré pour 40 % au capital de Framatome. La CGE va devenir Alcatel-Alsthom, puis Alcatel, qui sera progressivement démembré et réorganisé autour de plusieurs pôles : Alcatel (télécommunications), qui en 2006 fusionne avec l’américain Lucent Technologies pour devenir Alcatel-Lucent, racheté en 2015 par Nokia – Nexans (câbles) -, Alsthom, qui fusionne avec une branche de l’entreprise britannique General Electric et devient Cegelec (construction mécanique et électrique) revendu ensuite à Alstom (le « h » de Alsthom a été supprimé) puis la vente par Alstom de son activité énergie à l’américain General Electric. Derrière ces faits, on devine quelles ont été les transformations structurelles de l’actionnariat, entre le public et le privé, les acquisitions, les ventes, les prises de participation et, bien sûr, pour l’Etat français, la gestion des participations publiques dans des secteurs différents soumis à des dynamiques concurrentielles particulières, changeantes et de plus en plus internationales. On imagine aussi le rôle des nominations, des primes, des conflits d’intérêts et des pressions politiques et électoralistes.

La gouvernance des participations étatiques ne peut être que fluctuante et inconsistante. Les participations de l’Etat dans les entreprises se montent à environ 100 milliards d’euros ; elles couvrent plus d’un millier d’entreprises dans de multiples secteurs qui vont de l’électricité à la finance. Elles ont été construites, modifiées et reconstruites au fil du temps et de l’action plus ou moins efficaces de lobbys politiques, économiques et sociaux. Ces participations sont gérées par de multiples institutions étatiques, dont les trois principales sont la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC, une institution typiquement française), l’Agence des participations de l’Etat (APE) et bpifrance. Cela établit un double niveau de gouvernance, une augmentation de son coût et dans bien des cas une déresponsabilisation par rapport aux choix stratégiques des entreprises. En outre, comme le montre le cas d’Alstom, l’information circule mal entre les différents niveaux concernés.

On pourrait essayer de donner davantage de cohérence à l’ensemble de ces participations et de leur gestion, mais beaucoup ont une origine historique qu’il est difficile de défaire. Les difficultés stratégiques et financières dans lesquelles se trouvent aujourd’hui un certain nombre d’entreprises françaises, comme Alstom (sur Belfort), EDF, Areva, SNCF, Air France, trouvent leurs origines dans une gouvernance qui n’a pas assez mesuré et anticipé les changements économiques et institutionnels, comme la mondialisation, la construction européenne, la libéralisation des marchés. L’Etat a préféré la protection à la dynamique concurrentielle offensive. Une volonté de changement a été exprimée avec la création de Bpifrance, mais elle reste pour l’instant marginale.

Dans un environnement mondial et concurrentiel, le rôle protecteur de l’Etat doit être réduit car il faut que les entreprises trouvent par elles-mêmes, dans un consensus direction/employés, les stratégies d’adaptation et de transformation qui enclenchent de nouvelles dynamiques.

 

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