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Arrivée du gaz de schiste américain en Europe : quelles conséquences ?

1cfde881706ad0ba0c434d0a5e85ecc3-627x376L’Europe vient de recevoir sa toute première livraison de gaz de schiste américain. Elle a été effectuée pour le compte de la société suisse Inéos et apparaît comme une révolution dans le secteur de l’énergie sur le Vieux continent. Selon Jean-Marie Chevalier, cet épisode met en valeur les absurdités du système français.

Le développement du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis a complètement bouleversé la situation énergétique américaine. D’une situation de dépendance énergétique croissante et préoccupante, ils sont arrivés à être en position d’exportateur net de gaz et de pétrole. Les premières livraisons d’éthane sont arrivées en Europe en 2015, donnant à la pétrochimie européenne une matière première abondante et bon marché.

Les prochaines livraisons de méthane (le gaz naturel) sont attendues en 2016-2017, notamment au Royaume Uni et en France. En France, Engie a signé un contrat avec Cheniere pour douze livraisons par an, pendant cinq ans, qui seront faites au terminal de Montoir-de-Bretagne. EDF a de son côté un contrat de 20 ans avec la même entreprise pour des livraisons au terminal de Dunkerque. Il est clair que ces livraisons américaines viennent en concurrence avec les volumes livrés par nos partenaires traditionnels : la Norvège, la Russie, l’Algérie.

Ceci devrait avoir pour effet de renforcer les pressions à la baisse sur les prix du gaz à l’importation et, donc, sur les prix aux consommateurs. Ce nouveau flux gazier renforce l’interconnexion des marchés gaziers internationaux entre le marché américain qui peut à la fois approvisionner les marchés européens et les marchés asiatiques. L’avantage américain est fondé sur le faible coût de son gaz de schiste.

Cette nouvelle concurrence américaine renforce encore l’absurdité du refus français, éminemment politique, d’ouvrir la moindre opportunité pour le développement du gaz de schiste national. Certes, les ressources françaises (ou européennes) ne pourraient pas avoir d’effets comparables au cas américain, mais il est économiquement stupide d’interdire l’évaluation même de nos ressources avant de décider comment et à quel rythme on pourrait les développer. Pour des motifs écologiques contestables, on bloque un potentiel de croissance, de création d’emplois et d’allègement de la balance commerciale.

Le gaz de schiste américain arrive donc en Europe alors que, il y a moins de dix ans, on pensait que les Etats-Unis pourraient importer du gaz russe. La question majeure est de savoir si cette tendance est durable : elle dépend du coût (et du prix) du gaz américain, et aussi des contraintes environnementales qui pourraient éventuellement limiter son expansion.

Ces deux éléments demeurent marqués par des incertitudes. On pensait qu’un prix du pétrole à 30 dollars le baril allait limiter la croissance du gaz de schiste. Il n’en a rien été car une bonne partie des très nombreux producteurs américains (plusieurs centaines) ont réussi à baisser leurs coûts et à augmenter leur productivité.

Quant aux questions environnementales, elles sont bien posées dans certains états qui ont interdit la fracturation hydraulique (New York) mais d’autres états (comme le Dakota du nord ou le Texas) font passer leur richesse, leurs emplois et leur croissance bien avant les contraintes environnementales.

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