" Osons un débat éclairé "

La bourse est-elle verte ? La difficulté des débats européens autour du glyphosate

Le 9 novembre prochain, la Commission européenne va soumettre au vote des Etats membres de l’Union une nouvelle proposition de prolongation de la licence d’utilisation de l’herbicide controversé glyphosate. La polémique bat déjà son plein et des conséquences pourraient se faire sentir jusque sur les marchés financiers. L’impact pourrait-il atteindre les valeurs du secteur agrochimique pour l’instant épargnées ? La question reste posée. Pour bien comprendre les enjeux des évolutions à venir, Jean-Marie Chevalier donne les clefs du débat.

Le débat européen sur le glyphosate va se conclure très probablement par une ré-autorisation de l’herbicide le plus vendu au monde, qui pourrait être de dix, sept, cinq ou trois ans. Cette autorisation, prise par les 28 Etats membres réunis au sein d’un comité spécialisé pose de très graves problèmes. Nous en évoquerons trois : la prise de décision européenne, la vérité scientifique et la responsabilité politique.

La prise de décision européenne

Sur le cas du glyphosate, l’une des propositions de la Commission était une ré-autorisation de dix ans ; elle a donné lieu à un tour de table et seize pays y étaient favorables (Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Slovaquie) tandis que dix pays y étaient opposés (Autriche, Belgique, Croatie, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Slovénie et Suède) et que deux se sont abstenus (Allemagne et Portugal). Ce simple énoncé des faits pose un problème méthodologique : comment des pays aussi proches les uns des autres peuvent-ils avoir des positions aussi différentes ?  La position de chaque Etat résulte en fait de la dynamique des rapports de forces internes et spécifiques à chacun : lobbies, catégories professionnelles, corruption, fonctionnement institutionnel et politique. Une solution d’unification serait l’existence d’une vérité scientifique sur les effets de l’utilisation de l’herbicide.

La grande difficulté de la vérité scientifique

Des centaines de recherche ont été effectuées autour des effets cancérigènes du glyphosate. Certaines ont été commanditées par l’industrie, d’autres ont été menées de façon indépendante ; Il n’existe pas de consensus entre les études américaines et les études européennes. Ainsi, comme dans bien d’autres domaines, la vérité scientifique ne peut pas être établie de façon formelle et ceci est d’autant plus vrai que beaucoup de ces études font apparaître des incertitudes à court, moyen et long terme. A défaut de vérité scientifique, on peut introduire dans le débat certains éléments de la vox populi comme la prise en compte des « initiatives citoyennes européennes » dont l’une demande à l’Union européenne d’interdire le glyphosate et de fixer à l’échelle de l’Union des objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides.

Responsabilité politique

La politique est le chemin par lequel se prennent les décisions d’intérêt général. En l’absence de vérité scientifique établie, on peut répondre, comme l’a fait la France, par le principe de précaution.  Au nom de ce principe, on peut s’interdire de prendre des décisions dont les effets sont « risqués ».Mais comment peut-on alors établir une frontière entre les risques admissibles et ceux qui ne le sont pas ? Une société qui exclut le risque peut en même temps exclure une grande partie du progrès technique….. Où mettre la frontière ? Dans le cas du glyphosate, on peut répondre, partiellement, en fixant des horizons temporels. Il est possible que de nouvelles études aboutissent à une vérité scientifique qui faciliterait la décision européenne globale. Au nom de cet espoir, il faut limiter au temps le plus court possible les ré-autorisations d’exploitation. Cette position condamnerait les ré-autorisations de dix ans et plaiderait pour une ré-autorisation courte de trois ans. Cette argumentation rationnelle est assez proche de la position défendue par la France.

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