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Brexit ou pas, la zone euro doit aller de l’avant

united kingdom exit from europe relative image

Brexit ou pas, la zone euro va rester confrontée à des choix décisifs concernant sa gouvernance et son avenir. En cas de Brexit, le Royaume-Uni ne pourra plus agiter la menace de son droit de veto, qui tombera ipso facto. Dans l’hypothèse du « Bremain », il faudra clarifier les termes du compromis de février dernier entre David Cameron et ses partenaires européens : le Royaume-Uni ne pourrait pas bloquer les avancées institutionnelles de la zone euro, mais il conserverait un droit d’évocation sur certains sujets.

Le référendum britannique oblige à aborder de front la question de l’Europe à plusieurs vitesses. Pas besoin d’annoncer l’arrivée d’une telle Europe, car nous y sommes déjà. Avec cette difficulté supplémentaire qu’il existe en fait plusieurs Europe à plusieurs vitesses : l’aire de référence est différente pour le marché unique, Schengen, l’euro, l’embryon d’Europe de la défense, l’incertaine taxe sur les transactions financières… Si le Royaume-Uni devait sortir, ce système déjà complexe serait encore plus compliqué selon le scénario qui prévaudrait : participation des Britanniques à l’Espace économique européen (ce qui, dit rapidement, revient à rester dans le marché unique), accord bilatéral avec l’UE ou bien régime du « pays tiers » (droit commun de l’OMC). Brexit ou pas, nous devons améliorer la gouvernance de cette Europe à plusieurs vitesses. Cela passe par plusieurs axes.

Le critère d’appartenance ou non à la monnaie unique doit être déterminant. La crise a poussé à renforcer la gouvernance budgétaire de la zone euro. Le bilan de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) est mitigé. Les turbulences depuis 2010 devraient conduire, du côté de l’endettement, à considérer la dette totale (dette publique et dette privée) et non la seule dette publique. L’Union bancaire (UB) et l’Union des marchés de capitaux (UMC) vont dans le sens de l’approfondissement de l’Europe.

La direction prise est la bonne et, en même temps, elle soulève de nombreuses interrogations. Il n’existe pas d’accord intrazone euro sur le troisième pilier de l’UB : l’Allemagne, en particulier, s’oppose à l’idée d’aller vers un système fédéral de garantie des dépôts, craignant comme souvent de payer pour les autres. Quant à l’UMC, qui concerne l’UE et non la seule zone euro, elle manque singulièrement de projets concrets.

Une condition nécessaire pour que les opinions publiques croient à nouveau à l’Europe est que cette dernière montre enfin sa capacité à « délivrer » en matière de croissance et d’emploi. On ne peut pas demander plus à la BCE qui a probablement atteint pour sa politique non conventionnelle la zone des rendements décroissants et des effets pervers. Les initiatives doivent venir d’abord des pays membres. Il doit s’agir de stratégies mettant l’accent sur l’innovation et la R&D, l’éducation et la formation, les réformes structurelles du marché du travail et du marché des biens… Le plan Juncker va aider, mais il ne suffira pas, loin de là.

Pour éviter des crises à répétition, il faut une nouvelle gouvernance de la zone euro organisée autour de grands axes : un budget propre à la zone euro ; un Parlement propre à la zone, sous-ensemble du Parlement européen ; un ministre des Finances de la zone, qui serait en même temps le président de l’Eurogroupe ; une représentation unique de la zone euro au G20, au FMI, à la Banque mondiale ; l’adoption de la règle de la majorité simple ou qualifiée selon les sujets traités.

Certaines de ces réformes peuvent être adoptées assez rapidement, d’autres à long terme. Faudra-t-il une nouvelle crise de la zone euro, encore plus grave que celle enregistrée depuis 2010, pour fabriquer du consensus et faire tomber les résistances ? C’est possible, mais il est certain que le statu quo n’est pas une option.

 

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