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Cessons de faire de la BCE un bouc émissaire

cessons de faire BCELes critiques vis-à-vis de la Banque centrale européenne (BCE) sont à nouveau très nombreuses. Ces critiques portent sur l’absence de réaction de la BCE face à l’insuffisance de la croissance, au risque de déflation, à la surévaluation de l’euro. On entend dire que la BCE mène une politique anormalement restrictive parce qu’elle a seulement comme objectif d’éviter l’inflation.

Nous pensons que ces critiques sont infondées. D’une part, la croissance faible, l’inflation très basse, la force de l’euro sont dues à ce que des problèmes structurels de l’économie européenne n’ont pas été réglés. D’autre part, dans les circonstances présentes, la BCE a très peu de moyens en réalité pour agir efficacement sur la croissance, l’inflation ou le taux de change.

Regardons d’abord les causes fondamentales des problèmes de l’économie européenne. La faible croissance est essentiellement due à la grande faiblesse des gains de productivité, de l’ordre de 0,6 % par an seulement. Ceci implique, du côté de l’offre, une croissance à long terme très basse, de 0,3 % par an; du côté de la demande, une progression très faible aussi puisque les salaires réels ne peuvent pas croître à moyen terme plus vite que la productivité. L’absence de gains de productivité substantiels dans la zone euro vient de plusieurs causes connues : l’insuffisance de l’investissement des entreprises en nouvelles technologies, la faiblesse des compétences de la population active, la contraction des secteurs où les gains de productivité sont élevés (industrie), la faiblesse de l’effort de R&D (en Espagne et en Italie en particulier). Rien de cela ne peut être guéri par des politiques monétaires très expansionnistes.

La faiblesse de l’inflation, le risque déflationniste sont dus à des causes diverses selon les pays. En Allemagne et en Espagne : la faible progression des salaires, malgré la profitabilité très élevée des entreprises. En France et en Italie, la baisse des prix pour résister à la concurrence de pays à coûts salariaux plus faibles. Le problème de fond est donc soit un problème de partage des revenus, soit un problème de niveau de gamme insuffisant de la production, tout ceci n’ayant rien à voir évidemment avec la politique monétaire.

Enfin, la surévaluation de l’euro est liée essentiellement à deux mécanismes : le recul de l’investissement dans la zone euro qui a fait apparaître un excédent extérieur très important, supérieur à 3 % du produit intérieur brut; le retour de la confiance dans la situation de la zone euro, qui a ramené les investisseurs non résidents sur les actifs financiers en euro, en particulier sur les dettes des pays périphériques. Il serait bizarre aujourd’hui que la politique monétaire essaie d’empêcher les investisseurs étrangers d’acheter des actifs financiers en euros, ce qui serait nécessaire pour affaiblir l’euro.

La politique monétaire de la BCE a donc très peu de liens avec les causes fondamentales de la croissance et de l’inflation faibles, de l’euro fort. De plus, elle serait aujourd’hui très inefficace pour agir sur la croissance, l’inflation et le taux de change.

Les politiques monétaires dites conventionnelles ont été complètement utilisées par la BCE. On pousse donc la BCE à passer à des politiques monétaires non conventionnelles, en particulier le « quantitative easing ». Il s’agit d’une politique d’achat d’obligations par la BCE, achats qu’elle paie en créant de la monnaie. Les agents économiques reçoivent donc de la monnaie, qu’ils peuvent utiliser soit pour acheter des biens et services, soit pour acheter des actifs financiers ou de l’immobilier. Il peut en résulter une stimulation transitoire de l’économie, mais pas une modification des problèmes structurels de la zone euro.

On a vu aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon que la demande était soutenue par la hausse des prix des actifs financiers et immobiliers due au « quantitative easing », mais ces effets de richesse sont très faibles dans la zone euro. Au Japon que le « quantitative easing » conduisait à une dépréciation du taux de change du yen, mais qu’au contraire aux Etats-Unis et au Royaume-Uni les deux devises s’étaient appréciées. Le QE n’a aucun effet garanti sur la croissance, l’inflation et le taux de change.

La BCE est en réalité un bouc émissaire utile pour des gouvernements de la zone euro qui n’agissent pas sur les causes structurelles de la croissance faible, et de l’insuffisance de l’investissement, qui est la cause de base de l’appréciation de l’euro.

 

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