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La Chine est-elle une économie de marché ?

7730e2376094f3dd27d9d79e6cab0124-627x343La Chine est au centre d’une double actualité. Elle préoccupe les marchés financiers et fait l’objet de négociations entre pays européens. Ces derniers viennent en effet de lancer les discussions pour savoir s’il faut, ou non, lui reconnaître le statut d’économie de marché. Selon Jacques Mistral, l’Europe va devoir pratiquer une gymnastique diplomatique.

 

La Chine, une économie de marché ? La question peut paraître saugrenue. La Chine est la deuxième économie mondiale par la taille, sa part du marché mondial est en croissance régulière, preuve de sa compétitivité. Du coup, on a qualifié de « capitalisme rouge » le régime créé par Deng Xiao Ping, quelle preuve supplémentaire faudrait-il pour la qualifier « d’économie de marché » ? En fait, la question n’est pas économique, elle a une origine juridique et son enjeu n’est rien moins que géopolitique. Explication.

Tout commence avec l’adhésion de la Chine à l’organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Les accords commerciaux visent, de manière générale, à organiser l’ouverture des marchés nationaux les uns aux autres en établissant des règles qui assurent une concurrence loyale. La Chine a très efficacement su tirer parti de cet accord qui a permis ses extraordinaires succès à l’exportation. Mais l’accord contenait aussi des dispositions provisoires pour éviter les pratiques concurrentielles déloyales qualifiées de « dumping ».

Le « dumping » est une politique industrielle et commerciale d’inspiration mercantiliste qui pratique des prix artificiellement bas à l’exportation en ayant pour but d’exporter plus, de dégager une balance commerciale excédentaire et de créer des emplois (sous-entendu au détriment de ses partenaires). Pour protéger les économies plus avancées de ces pratiques, l’accord de 2001 disposait que la Chine n’était pas encore une « économie de marché » parce qu’elle ne respectait pas des règles suffisamment  transparentes ; d’où l’autorisation donnée aux  pays destinataires des exportations chinoises d’introduire sous certaines conditions des mesures « anti-dumping » et, par exemple, l’ouverture de  52 procédures de ce type par l’Union européenne, couvrant 1,4% des exportations chinoises (ce qui est peu).

De cet accord découle maintenant un problème de calendrier.  Il était en effet prévu que la Chine mettrait en œuvre les réformes nécessaires pour que le statut d’économie de marché, qui mettrait fin à ces procédures dérogatoires, lui soit accordé en 2016.  A quoi reconnaît-on une économie de marché ? Il faut qu’y soit proscrite la manipulation par l’Etat du système des prix. Les principaux points à observer sont donc la liberté des changes qui fixe la parité de la monnaie sans intervention administrative, des marchés financiers ouverts, qui alloueront les capitaux en fonction de leur meilleur usage, l’absence de subventions, protections, mesures dérogatoires ou avantages fiscaux donnant des avantages artificiels à telle ou telle activité.  Ces conditions sont-elles réunies en Chine ? La réponse courte est négative.

C’est de la que découle l’aspect géopolitique de la question car la Chine tient énormément au statut d’économie de marché, surtout pour des raisons symboliques, c’est à dire pour parachever la reconnaissance de son accession au club fermé des économies les plus puissantes de la planète. Et quand la Chine s’est fixée un objectif, elle sait utiliser tous les moyens de pression à sa disposition pour faire avancer ses pions.

La Chine pourrait-elle par exemple menacer d’accentuer, plutôt que d’atténuer comme elle le fait actuellement, la tendance à la dépréciation du Renminbi qui inquiète aujourd’hui les marchés des changes ? En face, les économies avancées redoutent les pertes d’emploi que cette porte encore plus grande ouverte aux exportations chinoises ne manquerait pas de provoquer, surtout dans une conjoncture de ralentissement de la croissance chinoise.

Les Etats-Unis sont radicalement opposés à donner ce statut à l’économie chinoise, l’Union européenne aura comme d’habitude de la peine à parler d’une seule voix, les deux principaux partenaires de la Chine sont  divisés. On le voit, ce ne sont pas les économistes qui trancheront finalement la question posée !

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