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Code du travail : pour que la réforme fonctionne

1155908_code-du-travail-pour-que-la-reforme-fonctionne-web-tete-021327785646_660x352pEnfin un consensus semble émerger sur la nécessité de réformer le Code du travail pour créer des emplois ! Suivant les recommandations du rapport de Jean-Denis Combrexelle, le gouvernement envisage que des accords collectifs puissent déroger à certaines dispositions du Code du travail. C’est une opportunité pour créer des règles plus adaptées à la diversité des situations des salariés et des entreprises. Deux récents rapports des think tanks aux approches aussi divergentes que l’Institut Montaigne ou Terra Nova partagent ce constat. Cependant, un véritable changement est loin d’être assuré, car la France est championne en matière de réformes incrémentales. En témoignent les fameux accords de maintien dans l’emploi, introduits par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013, et dont seulement une dizaine ont été signés à ce jour. Pour que la réforme ne soit pas un naufrage, trois écueils doivent être évités.

Le premier concerne le renversement de la hiérarchie des normes. Aujourd’hui, la loi prévaut sur l’accord de branche, qui prévaut à son tour sur l’accord d’entreprise, sauf dans le cas d’accords plus favorables aux salariés, à part quelques exceptions (comme la durée du travail). De surcroît, un accord d’entreprise ne peut s’imposer aux dispositions prévues dans le contrat de travail, notamment en matière de salaire, ce qui en limite la portée. Pour que la réforme n’échoue pas, l’accord collectif d’entreprise doit primer sur la loi et sur le contrat de travail dans les domaines autorisés. Sur ce point, tous les rapports récents sont en accord. Mais si la réforme s’arrête là, elle risque fort d’être un coup d’épée dans l’eau.

Le deuxième écueil consisterait à ne laisser déroger les accords d’entreprise que sur des thèmes mineurs en évitant soigneusement ceux qui fâchent. Le rapport de Jean-Denis Combrexelle envisage de déroger sur les conditions de travail, le temps de travail (ce qui en réalité est déjà largement le cas), l’emploi et les salaires qui sont aujourd’hui négociés par les branches. Il y a cependant besoin de plus de marges de manoeuvre. Il est important de négocier également les conditions d’utilisation des emplois à durée déterminée, et les motifs du licenciement économique, par exemple en laissant les partenaires sociaux définir les circonstances (comme le terme d’un projet) pouvant justifier la fin d’un CDI. Il existe de nombreuses preuves empiriques de l’influence des restrictions de licenciement sur les embauches et sur l’emploi. Or la France est dans une situation extrême en matière de complexité et d’incertitude juridique du licenciement économique du fait d’une définition incompréhensible interprétée de manière très restrictive. L’Italie et l’Espagne ont conduit leur aggiornamento sur ce sujet. Il est plus que temps de faire bouger les lignes

Le dernier écueil concerne la représentativité syndicale. Aujourd’hui, seuls les syndicats ont le droit de signer des accords. Or, contrairement aux délégués du personnel ou aux membres du comité d’entreprise, les délégués syndicaux ne sont pas élus par les salariés de l’entreprise mais désignés par les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles. Cette disposition est sans doute le noeud gordien limitant la négociation dans l’entreprise. En effet, il est de facto impossible de signer localement un accord sans l’approbation des syndicats, et cela indépendamment des préférences des salariés de l’entreprise. Pour preuve, il est déjà possible depuis 2008 de négocier sur le temps de travail par des accords d’entreprise. Pourtant, de tels accords sont rares et les dispositions du Code du travail sur ce sujet continuent de pleinement s’appliquer pour l’immense majorité des entreprises. Pour débloquer la négociation, les délégués syndicaux devraient être élus. De surcroît, il faudra également remettre sur la table le chantier du financement des syndicats. Leurs ressources devraient directement et essentiellement êtres tirées des voix qu’ils recueillent aux élections professionnelles, afin d’aligner leurs objectifs avec les intérêts des salariés de l’entreprise.

 


logo aix 150x150Retrouver le débat « Libérer le travail, espoirs et contraintes »  animé par Patrick Artus et Olivier Galzi avec Dominique Senart, Pierre André de Challendar, François Rebsamen / Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2015 

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