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Compétitivité : ce qu’il reste à faire en France

2036095_competitivite-ce-quil-reste-a-faire-en-france-web-tete-0211409242736Il ne sera pas possible d’avoir plus de croissance sans réduire le déficit extérieur. Il ampute notre croissance de 0,3 % du PIB entre 2015 et 2016.

Compétitivité ou emploi ? A cette question, les entrepreneurs vous répondront : « la compétitivité, c’est l’emploi de demain ». De moins convaincus demanderont alors :  « où, quand et combien ? » Et ils ajouteront : « il faut de l’emploi, même peu ou pas qualifié, pour permettre une croissance par la consommation, plus la paix sociale. Alors, la compétitivité suit. » Le débat est lancé.

CICE : ce sigle compliqué est notre « réponse ». Décomposons-le. « C », pour compétitivité, autrement dit pour diminuer le déficit extérieur (-48,4 milliards d’euros sur les douze derniers mois, -45,7 milliards pour 2015) et ­contrer la baisse de la part de l’industrie dans le PIB (11 % contre 24 % en Allemagne).

Cadeau aux patrons ?

Nous avons un vrai problème de compétitivité-coût. Voilà pourquoi Louis Gallois, aux Journées d’Aix du Cercle des économistes en 2012, propose une réduction des charges des entreprises pour 30 milliards d’euros. L’idée gagne, mais suit immédiatement la question du déficit budgétaire. Ces milliards seront des rentrées en moins ! Essayons de gagner du temps, dit Bercy. Vient alors le « CIC » : crédit d’impôt compétitivité pour rembourser les entreprises plus tard, sur présentation de leur demande. Autant de gagné par rapport à Bruxelles. Entre-temps, la croissance pourrait aider.

Surtout, ce CIC favoriserait plutôt les hauts salaires ouvriers, disons entre ­1,5 et 2,5 SMIC. Ceux que l’on trouve dans les grandes entreprises et les entreprises ­innovantes. Mais que deviennent alors les ­salariés les plus nombreux, au SMIC ou près du SMIC ? Près de 30 % d’entre eux sont payés au SMIC, qui représente plus de 62 % du salaire médian (contre 48 % en Allemagne). Le « CIC » serait un « cadeau aux patrons » pour aider une « élite ouvrière » : politiquement impossible ! Diffusons plutôt cette baisse de charges en allant de 1 à 2,5 SMIC. Ce sera le « CICE » !

Avec une seule flèche, payée avec retard, on vise deux cibles : « C » pour compétitivité et « E » pour emploi. Nous entrons en politique. Pas surprenant, avec cette logique, que le dernier rapport sur le CICE (septembre 2016) trouve qu’ « il bénéficie moins aux entreprises les plus tournées vers l’exportation », qu’ « il bénéficie moins aux entreprises exportant des produits à forte valeur unitaire » et qu’il « touche davantage les entreprises disposant d’une faible proportion de cadres et personnels de recherche ». Ainsi dosé, le CICE bénéficie davantage aux moins qualifiés, aux PME et microentreprises.

Coût moyen de l’heure de travail trop élevé

Le CICE entre alors dans les primaires. Pour Alain Juppé, il s’agit d’abaisser définitivement les coûts , donc de supprimer le crédit d’impôt. Pour Nicolas Sarkozy, il s’agit de passer le CICE à 34 milliards, en le concentrant entre 1 et 1,6 SMIC. Comment trancher à moyen terme ? D’abord, il ne sera pas possible d’avoir plus de croissance sans réduire le déficit extérieur. Il ampute notre croissance de 0,3 % du PIB en 2015 et 2016.

Ensuite, la faiblesse de notre compétitivité pèse sur les marges. Le coût moyen de l’heure de travail dans l’industrie et les services marchands est de 36,80 euros en France contre 34,7 en Allemagne et 21,2 en Espagne ­(Eurostat-COE-Rexecode). C’est donc sur la baisse des coûts qu’il faut d’abord jouer pour les entreprises les plus avancées, les plus proches de la « frontière ­technologique ».

Cette frontière relie compétitivité à emploi. Si les ­entreprises les plus avancées perdent du terrain, elles seront bientôt évincées des marchés porteurs. Or ces ­entreprises sont leaders dans leurs territoires. Si elles faiblissent, c’est tout le territoire qui recule, avec toutes ses entreprises. La compétitivité est une dynamique globale et locale. Soutenue par la baisse des charges, les mesures de ­simplification et l’innovation, elle ­augmente à partir de l = des entreprises les plus avancées. Elles entraîneront l’emploi des autres, le rendant plus qualifié. Ceci doit être fait avec et dans le ­territoire, ce grand absent des ­propositions. Après, ce sera trop tard.

 

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