" Osons un débat éclairé "

Consolider le Maghreb par l’éducation

imgresLes 11es Rendez-vous économiques de la Méditerranée à Marseille, organisés par le Cercle des économistes et l’Institut de la Méditerranée, se sont penchés sur l’initiative de la présidence luxembourgeoise de l’UE concernant la formation professionnelle à destination des pays du Maghreb. L’emploi des jeunes dans les pays du sud de la Méditerranée et, en particulier, au Maghreb est plus critique qu’il ne l’a jamais été. Les taux de chômage des jeunes sont de 24 % en Algérie, 18 % au Maroc, 31 % en Tunisie, dans un contexte où les taux de participation des jeunes à la population active sont inférieurs à 50 %, du fait, notamment, de l’inactivité des femmes. Chose très spécifique : la probabilité d’être au chômage augmente avec le niveau de diplôme.

Il n’est pas besoin d’insister sur le fait que ce chômage des jeunes généralisé est un facteur majeur de marginalisation et de dérives. Il est donc nécessaire de conduire une action déterminée du côté de l’offre en tentant d’améliorer la qualité de la ressource humaine.

La première question concerne la conception et la place de la formation professionnelle. Dans le monde moderne, la réalisation personnelle qui est au coeur de la démarche éducative concerne à la fois le développement de la personne, l’inscription dans un espace social et la capacité à l’activité professionnelle et au métier. Nous avons exagérément séparé ces trois fonctions et nous avons dévalorisé la dernière aux yeux de la jeunesse. C’est ce qui explique la faible disposition au choix des filières professionnelles (15-20 % au Maghreb en fin de lycée), le primat absolu du diplôme, instrument de socialisation par excellence au détriment de la compétence, qui n’est pas accréditée de façon systématique.

La seconde question concerne les cibles à viser. Aux premières années du collège 20 % des élèves quittent l’école au Maghreb. A la fin de la scolarité obligatoire (15-16 ans) les compétences acquises les plus courantes ne sont pas accréditées et lorsqu’il y a un échec au baccalauréat après quatorze années de scolarité en moyenne, l’élève sort sans aucune compétence certifiée. C’est également le cas en France avec les 150.000 jeunes qui sortent sans aucun diplôme et qui rejoignent, pour certains, les écoles de la deuxième chance (désormais introduites au Maghreb) qui leur offrent au travers d’un suivi personnalisé, à la fois une accréditation de quatre compétences de base, des stages, et un soutien social. Avec un résultat qui avoisine 60 % de sorties positives en reprise d’études professionnelles ou en emploi. Plus tard, les points critiques concernent les filières universitaires généralistes qui n’ont pas su délivrer des compétences professionnelles et la professionnalisation des doctorants.

La troisième question concerne la façon de faire. L’initiative présentée a cela d’intéressant qu’elle envisage de partir des besoins identifiés et de constituer des réseaux Nord-Sud d’institutions sur les différents niveaux critiques. Une véritable coproduction qui pourrait contribuer à renforcer sensiblement la cohésion de la région méditerranéenne.

Jean-Louis Reiffers

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