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Entrée à l’université : Il faut encourager la mobilité sociale

Système décrié. Rôle du conseil de classe, dispositifs d’accompagnement à la fac, quotas de places en BTS et IUT… le projet de loi sur les nouvelles modalités d’entrée à l’université s’affine avant sa présentation, en conseil des ministres, à la fin du mois de novembre. Récemment, le gouvernement a présenté son plan pour supprimer le tirage au sort dans les filières les plus demandées à l’université, et réduire l’échec en première année. Pour Hippolyte d’Albis, « l’affectation à l’université des bacheliers de 2017 aura été l’effrayant révélateur d’un système public d’enseignement supérieur qui, pétri de contradictions, peine à remplir sa mission. Il n’est pas acceptable, poursuit l’économiste, que l’avenir professionnel d’un jeune soit tiré au sort. En mettant un terme à ce système, le gouvernement a relancé la question de la sélection à l’université ».

Sélection à tous les étages. Si dans l’esprit de beaucoup de personnes concernées elle représente une injustice, la sélection est devenue un réflexe pour tous les acteurs. « Premièrement, l’entrée à l’université est sélective, car il est nécessaire de détenir le baccalauréat pour s’y inscrire. Plus d’un jeune sur quatre ne l’obtient pas », souligne Hippolyte d’Albis. L’économiste constate que « les étudiants veulent, évidemment, sélectionner leur filière universitaire et leur établissement ». Du côté des formateurs, « ceux qui sont autorisés par la loi à sélectionner leurs étudiants s’enorgueillissent de ce privilège et communiquent intensément sur l’importante sélectivité de leur concours… que les ignorants interprètent comme un gage de qualité d’une formation. Quant aux universités qui n’y sont pas autorisées, elles mettent en place de nombreuses filières ou parcours qui, de droit, sont sélectifs », souligne le professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Réformer les textes. L’avant-projet de loi, présenté par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, « constitue une première reprise en main du dossier. Toute action visant à renforcer les liens entre le secondaire et le supérieur – comme celle qui associe les professeurs de lycée à l’orientation des futurs étudiants – est souhaitable », aux yeux d’Hippolyte d’Albis. Diverses expérimentations ont en effet révélé l’importance de ces liens sur le parcours universitaire des bacheliers. Mais l’économiste insiste sur le fait que l’avant-projet de loi ne se focalise que sur une des dimensions du problème : « on peut certes mieux informer ceux qui n’auraient pas les compétences requises de ce qui les attend à l’université, mais les erreurs d’orientation ne représentent qu’une partie des très nombreuses demandes adressées à certaines universités, qui sont tout simplement plus attractives que d’autres, du fait de la qualité de leurs formations ».

Encourager la mobilité sociale. Comme l’explique Hippolyte d’Albis, cette réforme « devra évidemment s’accompagner d’une réflexion plus difficile sur les budgets publics par étudiants, alloués aux établissements d’enseignement supérieur ». Plutôt que de favoriser de manière inconsidérée les plus sélectifs, « il faut encourager les initiatives pédagogiques et la mobilité sociale ». Enfin, selon le professeur à la Sorbonne, « le rôle stratégique du gouvernement ne doit pas s’arrêter à la sélection à l’entrée dans le système, et un choix politique crucial doit être fait en matière de sélection des étudiants entre les filières ». Hippolyte d’Albis insiste sur le fait que chaque année, « moins de 10% des diplômés ont reçu une formation en mathématiques ou informatique. Proportion équivalente à celle des diplômés d’Arts et Lettres ». Quant aux ingénieurs, « ils représentent 15% des diplômés, contre 20% en Allemagne ». La réforme ne doit ignorer aucun de ces points stratégiques.

 

Une infographie statistique pour illustrer le propos d’H. d’Albis:

 

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