" Osons un débat éclairé "

Eradiquer la pauvreté, une ambition pour la France

La pauvreté n’a pas diminué ces cinq dernières années. Il est grand temps que les dirigeants politiques s’engagent pour y mettre un terme.

Les objectifs pour le quinquennat apparaissent aujourd’hui clairement. On applaudira l’ambition de faire de la France une nation où l’on innove et où l’on travaille. On applaudira également celle qui nous met au coeur d’une coopération internationale renforcée où la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas abandonnée et où l’intégration européenne est repensée. Et tant mieux si cette dynamique pouvait aussi donner à Paris les JO 2024 !

On regrettera cependant que cette énergie ne soit pas aussi mise d’urgence au service d’ambitions sociales, afin que chacun profite de la fête. Eradiquer la pauvreté en France n’est pas impossible, car d’autres pays l’ont fait, mais cela nécessite un véritable engagement politique. Il est de fait assez désespérant de constater que la pauvreté n’a pas diminué au cours des cinq dernières années pendant lesquelles les socialistes disposaient, eux aussi, de « tous les pouvoirs ».

Neuf critères

A partir des données de l’enquête européenne EU-SILC, on apprend que près de 20 % des Français estiment qu’il est difficile de « joindre les deux bouts ». C’est moins qu’en Italie, mais c’est plus qu’au Royaume du Brexit (16 %) et surtout qu’en Allemagne ou en Finlande, où le sentiment est partagé par 7 % de la population.

La pauvreté est une réalité en France. Elle est trop souvent confondue avec la question des inégalités, notamment à cause d’une approche statistique qui définit comme pauvre une personne dont les revenus sont inférieurs à 50 % ou 60 % du revenu médian. Ces statistiques sont utiles pour comprendre la dispersion des revenus, mais nous écartent de notre sujet. La pauvreté est davantage une réalité absolue qui traduit l’incapacité de satisfaire des besoins essentiels et de s’insérer socialement.

Pour son évaluation statistique, et les comparaisons internationales, on retient 9 critères : être capable de (1) payer son loyer ou son emprunt, (2) faire face à des charges financières imprévues, (3) chauffer suffisamment son logement, (4) manger une fois tous les deux jours un repas complet, (5) partir une semaine en vacances par an, mais aussi avoir (6) un téléphone, (7) une télévision couleur, (8) une machine à laver, (9) une voiture. La pauvreté est considérée comme sévère chez les personnes qui ne satisfont pas 4 de ces critères.

4,5 % de la population en pauvreté sévère

Selon l’EU-SILC, ceci concerne 4,5 % de la population en France ou en Allemagne, contre 0,7 % en Suède. Les proportions de personnes ne satisfaisant pas chacun des critères est beaucoup plus importante. Les 25 % de la population en France ne partant pas une semaine en vacances par an en sont une triste illustration.

Pour éradiquer la pauvreté, il ne faut négliger aucun outil. La stabilisation macroéconomique est essentielle, car les crises touchent d’abord les plus fragiles. Les associations d’insertion et les entrepreneurs du social doivent également recevoir un fort soutien du politique. Encourager les talents à rejoindre le mouvement de la révolution technologique est excellent, mais il faut aussi les encourager à rejoindre le secteur social, qui regorge de défis pour les entrepreneurs.

Les plus pauvres sont souvent des femmes seules avec enfants

L’EU-SILC analyse aussi la situation familiale des personnes pauvres et révèle que ce sont plus souvent des célibataires que des couples. Mais surtout, on apprend que près de 15 % des personnes seules avec enfant à charge sont en situation de pauvreté sévère. Les femmes seules et leurs enfants sont, aujourd’hui, les victimes intolérables de la pauvreté. La diminution du nombre d’enfants par classe ne sera utile dans les milieux défavorisés que si les conditions matérielles des familles sont satisfaisantes.

La protection sociale a su, dans le passé, éradiquer l’insoutenable pauvreté des personnes âgées. Elle doit maintenant continuer de s’adapter pour éliminer cette nouvelle forme de pauvreté. Il est vrai qu’il est difficile de toucher à la politique familiale, car les entreprises ne veulent plus la financer et que chaque initiative politique vaut à son promoteur le qualificatif de « familiphobe ».

Pourtant, il est urgent de réduire encore le caractère universel des aides familiales et de concentrer l’effort sur les plus pauvres. Il est également nécessaire d’aider à l’insertion des mères célibataires en leur permettant de concilier leur vie privée et leur vie familiale. Cette ambition est à portée de main d’un gouvernement volontariste, il serait catastrophique de la laisser de côté.

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