" Osons un débat éclairé "

Etats-Unis : L’étrange budget de Donald Trump

Le budget présenté par l’administration Trump a de quoi surprendre. Des prévisions de croissance surestimées, des dépenses et des économies à la logique étrange, ce budget a-t-il seulement un sens ?

Manifeste politique, mais de qui ? Manifeste : c’est ainsi que l’on peut qualifier le projet de budget américain , présenté le 23 mai par Mick Mulvaney, directeur du Budget à la Maison-Blanche. Le président Trump n’a pu le faire lui-même, étant en voyage… D’où la question : est-ce un « budget Trump » ou un « budget Mulvaney » ? Plutôt « Mulvaney », si on étudie sa durée, la croissance qui le fonde et sa logique.

Durée : dix ans. En 2027, le déficit budgétaire devient un excédent : 16 milliards de dollars. Rien à voir avec le déficit de 585 milliards de 2016 ou le triplement prévu en 2027 par l’officiel CBO (Congressional Budget Office). Le poids de la dette passera alors à 60 % du PIB, contre 90 % dans les prévisions officielles et 77 % aujourd’hui. Mais dix ans, ce sont deux mandats et demi du président Trump !

Des prévisions impossibles

Croissance : 3 %. Mais c’est impossible ! C’est pourtant le chiffre prévu sur la période, contre 2,1 % pour les années pré-crise et actuellement, et 1,9 % de croissance potentielle. Il est « techniquement » très difficile d’imaginer un tel saut, compte tenu du taux de chômage à 4,4 %.

Pour cela, il faudra que les Américaines et Américains employés à temps partiel et plus encore au chômage, souvent depuis un à deux ans, se présentent sur le marché du travail (pas facile) et que les entreprises les embauchent (moins facile encore).

Logique : étrange. Le projet de budget combine des dépenses nouvelles, compensées en deux étapes par des économies, pour réduire le déficit. Les dépenses nouvelles sont consacrées à la défense, à la protection des frontières, à la sécurité intérieure ou au mur avec le Mexique… Dans la première étape, à partir de 2018, ces dépenses sont surtout compensées par des coupes dans les dépenses des administrations : 31 % pour l’environnement et 30 % pour le département d’Etat notamment.

Dans la deuxième étape, à partir de 2020, suivront des coupes dans les dépenses sociales : 29 % pour l’aide à la nutrition, 19 % pour la santé des enfants, 17 % pour Medicaid, 13 % pour les familles nécessiteuses… Ainsi, en 2018, 54 milliards de dollars iront en dépenses militaires, compensés par 54 milliards économisés en programmes non-défense.

Manifeste politique

« Erreur de calcul », dit Larry Summers ! Il note que, pour les experts de la Maison-Blanche, les réductions des impôts poussent la croissance à 3 %, mais qu’ensuite cette même croissance justifie le fait que ces baisses d’impôts s’autofinancent. Un peu comme une société, dit-il dans le « Washington Post » du 23 mai , qui ferait des investissements pour augmenter ses profits puis, pour calculer le surplus obtenu, oublierait les investissements qui les ont permis !

Larry Summers a techniquement raison, mais politiquement tort. Ce n’est pas d’un budget « d’économie de l’offre » qu’il s’agit, où la baisse des impôts ferait repartir la machine, après un temps de déficit. Difficile en effet de retrouver dans le texte des précisions sur les baisses d’impôts pour les entreprises et les ménages, difficile d’y trouver trace des dépenses d’infrastructures (200 milliards par an), promises par le candidat Trump avec leur financement.

On lit plutôt : « Utiliser seulement plus de ressources fédérales pour financer les infrastructures n’est pas la solution ». Il faut surtout économiser les deniers publics, puis trouver des baisses d’impôts qui s’autofinancent, notamment dans les infrastructures.

Manifeste politique donc : ce document se met « dans la peau » de celui qui paie ses impôts, pour que l’économie aille mieux. La phase 1 d’économies, 2018-2022, avec 300 milliards de dollars d’économies de dépenses administratives et 200 pour le social (surtout avec le remplacement de l’Obamacare), c’est pour Trump ! La phase 2, 2023-2027, qui économise 1.200 milliards dans les administrations et 1.500 dans le social, c’est pour le successeur !

 

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