" Osons un débat éclairé "

Faut-il adapter la politique monétaire aux prix du pétrole ?

imagesC’est dans un contexte de baisse durable du prix du baril, tombant pour la première fois depuis douze ans sous la barre des 30 dollars au cours du mois de janvier, que l’Opep présentera son rapport ce 10 février. L’espoir, pour plusieurs pays producteurs tels le Venezuela ou l’Equateur, est celui d’une réunion extraordinaire prochaine du cartel en vue d’un accord visant à réduire la production de brut afin d’enrayer la chute des prix.

La situation sur le marché pétrolier explique en grande partie les niveaux d’inflation très faibles, voire négatifs, observés depuis de nombreux mois dans plusieurs pays avancés. Dans ces conditions et afin d’éviter le risque déflationniste empêchant une reprise soutenue de la croissance, quelle est la place de la politique monétaire ? Les niveaux très bas des taux d’intérêt dans un contexte économique atone ont conduit à privilégier les politiques non conventionnelles, dites de « quantitative easing ». Celles-ci, rappelons-le, consistent en un achat massif de titres par les banques centrales afin de relancer l’activité économique en injectant des liquidités et freiner ainsi les pressions déflationnistes lorsque les taux directeurs sont proches de zéro. Si le « quantitative easing » a pris fin aux Etats-Unis en 2014, le programme de la Banque centrale européenne, consistant en l’achat de titres à hauteur de 60 milliards d’euros par mois, doit courir jusqu’au premier trimestre de l’année 2017.

Après dix mois d’expérience de « quantitative easing » en zone euro, l’inflation reste faible, bien loin de l’objectif affiché par la BCE, proche de 2 %. Faut-il dès lors augmenter le montant des achats de titres pour faire face à la baisse des prix du pétrole ?

La réponse est loin d’être évidente, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le point crucial est celui des perspectives concernant l’évolution des prix du pétrole. Si l’exercice de prévision est naturellement délicat, les signaux ne sont pas en faveur d’une remontée des cours à court terme. En effet, si le ralentissement de la croissance des émergents affecte la demande de pétrole, les raisons de la chute des prix sont plus à rechercher du côté de l’offre. La réduction des tensions sur l’offre provient de la diversification de la production avec l’exploitation des pétroles non conventionnels en Amérique du Nord, du niveau élevé des réserves et de la production américaines, ainsi que des très hauts niveaux des exportations de l’Arabie saoudite et de l’Irak.

A ce jour, les pays membres de l’Opep ne semblent pas enclins à réduire la production afin de renverser la dynamique des prix, protégeant ainsi leurs parts de marché et alimentant la surabondance de l’offre. Le retour de l’Iran, bien que déjà en partie anticipé par les marchés, devrait ainsi contribuer à mettre le prix du baril sous pression. Même si une possible réunion extraordinaire des pays exportateurs est source d’espoirs pour les pays producteurs au bord de la faillite et pour les pays avancés faisant face au spectre de la déflation, le conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran, d’une part, et les désaccords entre les pays membres de l’Opep et les autres producteurs, d’autre part, rendent peu probable la signature d’un accord visant à limiter la production de brut pour enrayer la chute des prix. Ces caractéristiques spécifiques au marché pétrolier, auxquelles on peut ajouter les effets d’un dollar fort, laissent ainsi penser que la relation entre « quantitative easing » et faible niveau des prix du brut est désormais très lâche.

Par ailleurs, si les effets d’une politique monétaire jouant sur les taux d’intérêt sont bien connus, les canaux de transmission du « quantitative easing » sont plus difficilement identifiables, instables et, en conséquence, plus incertains. De nombreux facteurs sont en effet en jeu, rendant plus délicate la transmission attendue de la politique monétaire vers l’économie réelle. Dans ces conditions, si le contexte économique international n’évolue guère et dans la mesure où le système n’est pas en situation de pénurie de liquidités, la prudence reste de mise et l’ajustement de l’ampleur du « quantitative easing » pour répondre à la chute des prix du brut n’apparaît dès lors pas prioritaire.

 

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