" Osons un débat éclairé "

Il faut peut-être aller vers un monde sans billet

Célébration d’un vieux monde. Hippolyte d’Albis est très critique à l’égard du nouveau billet de 50 euros mis en circulation début avril dans 19 pays européens. « On s’attache à des visions. On fait comme si cette monnaie avait un quelconque pouvoir symbolique,  extrêmement fort », regrette l’économiste qui se dit « très favorable à la disparition des billets et, finalement, de tous moyens de paiement liquide. C’est un moyen de transaction extrêmement coûteux. Pas seulement à produire mais, aussi, à organiser. Coûteux pour les banques et les commerçants. Avec ce que l’on peut attendre de la transformation du monde bancaire et financier, finalement, maintenir cette monnaie est un problème ». « Beaucoup de personnes ont l’impression que c’est gratuit, mais ce n’est pas le cas. On évalue le coût à un  demi-point de PIB pour l’ensemble de ce système de paiement. C’est très cher », insiste Hippolyte d’Albis.

Impact réel plus que financier. Il n’y a pas uniquement la question du coût. « C’est aussi un moyen de frauder », estime l’économiste. « Il y a une partie de l’activité de petite fraude, au niveau individuel, difficile à évaluer mais qui peut être importante au niveau d’un pays, essentiellement la fraude à la TVA ou, dans une moindre mesure, des cotisations sociales, etc… Cela peut atteindre des montants relativement importants ». D’autant plus illogique, aux yeux du Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, que les institutions publiques peuvent avoir réellement la main sur ce dossier. Pas comme le chômage, ou d’autres politiques publiques, qui nécessitent l’avis de beaucoup d’autres acteurs. A ce titre, l’universitaire reconnaît l’action menée, notamment, par le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Sapin, en faveur de la lutte contre la fraude fiscale.

Iconographie universelle. Hippolyte d’Albis trouve une illustration de son propos ‘’anti liquidités’’ dans les dessins figurant sur les billets. « Nous sommes sur une iconographie extrêmement simple, qui ne choque personne, qui n’est pas politique… on va avoir cette communication sur ce moyen dépassé… Il faut vraiment aller plus en avant sur un objectif qui ne coûterait rien et qui permettrait d’améliorer les choses ». Quant au paradoxe, il est évident : d’un côté, des citoyens confrontés à un monde en plein changement, de l’autre, ces institutions « qui restent attachées à des éléments passés… ne serait-ce que cette monnaie émise par l’Etat et représentant sa puissance ». Indirectement, « faire un nouveau billet contribue à l’émergence de relents psychologiques. On est dans la mythologie », déplore Hippolyte d’Albis. Sa solution ? Les systèmes électroniques. « Ils sont plus simples et c’est du temps gagné, mine de rien, à l’échelle d’une économie. Allons plutôt vers une dématéralisation complète et une disparition »… des vieilles dentelles monétaires.

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