" Osons un débat éclairé "

Il faut moderniser d’urgence notre appareil productif

machine-industrielle-fran-aise-voie-relance-fLa campagne pour l’élection présidentielle en France va certainement faire apparaître une confrontation entre deux lignes de politique économique.

Pour les uns (gauche), il faudrait soutenir la demande intérieure, revenir au keynésianisme, avec une politique d’investissements publics, de hausse des bas salaires.

Pour les autres (droite), il faudrait baisser les coûts salariaux. Mais aucune de ces deux politiques n’est en réalité adaptée à la situation de la France.

Le problème de la France est l’inadaptation de l’appareil productif à la demande et le faible niveau de gamme. Lorsque la demande intérieure augmente, ce qu’on a observé dans la période récente grâce à la baisse du prix du pétrole, qui a stimulé les salaires réels, il en résulte une augmentation considérable des importations et une augmentation très modeste de la production domestique.

Les importations, dans cette période récente, augmentent à peu près trois fois plus vite que la demande intérieure, ce qui est considérable. On peut aussi mesurer la sensibilité aux prix (au taux de change) des exportations. On obtient pour la France une élasticité-prix des exportations en volume très élevée : 0,8 (cela veut dire qu’une hausse de 10 % des prix de vente réduit la demande pour les biens et services exportables français de 8 %). La France ne vend ses produits que si leurs prix est bas, ce qui est la caractéristique d’une production bas de gamme, et explique la dégradation tendancielle du commerce extérieur hors énergie.

Partons donc du constat que la France a un appareil productif inadapté à la nature de la demande et un niveau de gamme faible de sa production. Dans cette situation, soutenir la demande intérieure est très inefficace. Pourquoi prendre le risque de perte de solvabilité budgétaire en accroissant les déficits publics, ou le risque de destruction d’emplois peu qualifiés en augmentant les bas salaires, ou le risque de dégradation de la compétitivité-coût en augmentant l’ensemble des salaires, si le résultat est une forte hausse des importations ?

Mais baisser les coûts salariaux n’est pas non plus une bonne solution. La France a, depuis la crise, amélioré sa compétitivité-coût vis-à-vis de l’Allemagne et de l’Italie (mais pas, au contraire, par rapport à l’Espagne) grâce à la modération salariale et à la baisse des impôts des entreprises mise en place par le gouvernement. Faut-il amplifier cette politique de baisse du coût salarial, par l’allongement (sans compensation salariale) de la durée du travail, par le blocage des salaires, par de nouvelles baisses des cotisations sociales des entreprises financées par des baisses de dépenses publiques ?

Il s’agit de politiques dont l’efficacité est douteuse. En effet, avec le bas niveau de gamme de sa production, la France est en concurrence avec des pays où le niveau des coûts salariaux est beaucoup plus bas qu’en France : Espagne dans la zone euro, pays d’Europe centrale. Il faudrait donc en France rentrer dans une politique de recul considérable des coûts salariaux pour qu’elle devienne efficace.

Tout cela plaide pour une politique de modernisation de l’appareil productif. Si la France souffre de l’inadaptation de son appareil productif à la demande, de la faiblesse de son niveau de gamme, de coûts salariaux nettement plus élevés que ceux des pays ayant le même niveau de gamme, ni les politiques de soutien de la demande (qui conduisent essentiellement à la hausse des importations), ni les politiques de baisse des coûts salariaux (qui, pour être efficaces, nécessiteraient une baisse très importante des salaires ou des cotisations sociales) ne peuvent être utilisées.

Il faudrait en France s’attaquer à la racine du mal, qui est l’insuffisante modernisation du capital des entreprises, visible par exemple à la faible robotisation des entreprises françaises. Mais les causes de cette insuffisante modernisation des entreprises ne sont pas totalement élucidées : il peut s’agir du conservatisme et de l’aversion au risque des entrepreneurs, des mauvaises relations entre grands groupes et sous-traitants, du choix de la délocalisation pour installer les équipements modernes, de l’insuffisance des compétences de la population active.

 

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