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La France doit retrouver le chemin de la productivité

Le recul de la productivité pèse sur notre potentiel de croissance à long terme. Il faut robotiser davantage et accroître les qualifications.

Les estimations disponibles de la croissance potentielle (croissance réalisable à long terme en régime de croisière) de la France varient entre 1 % et 1,25 % par an. Il y a vingt ans, elle était voisine de 2 %. Il faut donc s’interroger sur les causes de ce recul, sur ses conséquences et sur ce qu’il faudrait faire pour la redresser.

La croissance potentielle est estimée à partir de la somme de la tendance des gains de productivité (de l’ensemble du travail et du capital) et de la croissance de la population active. Or nous assistons à un recul des gains de productivité. Trois raisons l’expliquent.

Emplois de service peu sophistiqués

On sait tout d’abord que les statistiques officielles sous-estiment la croissance en volume, donc les gains de productivité dans les services. Cela est dû à la difficulté de mesurer les prix des nouveaux services (plate-forme Internet, e-commerce…), pour lesquels il n’existe pas de référence antérieure.

La surestimation des indices de prix correspondant à ces services, qui remplacent normalement des services anciens plus chers, pourrait conduire à une surestimation en France de l’inflation de 0,6 point par an et à une sous-estimation de la croissance réelle et des gains de productivité de 0,6 point aussi.

L’autre raison du recul de la productivité est la déformation de la structure des emplois vers des emplois de service peu sophistiqués dont le niveau de productivité est faible, au détriment d’emplois plus sophistiqués et productifs, dans l’industrie et dans les services liés à l’industrie.

Enfin, nous vivons un recul impressionnant des gains de productivité dans le secteur qui produit les nouvelles technologies. Celui-ci représente aujourd’hui en France 3 % des emplois et 6 % de la valeur ajoutée. Ses gains de productivité étaient très élevés à la fin des années 1990 et au début des années 2000, et ils sont devenus très faibles aujourd’hui, ce secteur étant, en France comme ailleurs, un secteur mature. Il en résulte une perte de gains de productivité de 0,4 point par an aujourd’hui par rapport au début des années 2000.

Dépenses de santé rationnées

On identifie donc assez bien ce qui explique le ralentissement des gains de productivité et de la croissance potentielle en France depuis vingt ans. Que se passe-t-il quand la croissance de long terme est très faible, de l’ordre de 1 % par an ou d’à peine plus de 1 % par an ?

Le plus inquiétant est l’effet sur les finances publiques et la protection sociale. Les recettes fiscales et sociales ne progressent plus que de 1 % par an (en termes réels), les dépenses publiques de l’Etat, les dépenses publiques de santé, les dépenses publiques de retraite ne peuvent aussi progresser que de 1 % par an en termes réels.

Cela implique en particulier un rationnement croissant des dépenses de santé, la nécessité de réduire continûment le niveau de vie des retraités en raison du vieillissement démographique. Le freinage de la productivité du travail en période de vieillissement démographique conduit inexorablement à un freinage violent de la croissance du revenu par habitant.

Robots et formation

Quelles politiques économiques adopter pour améliorer la croissance potentielle de notre pays ? La comparaison des pays de l’OCDE montre que, dans l’industrie, les gains de productivité sont liés à l’effort de robotisation. Or la France a un niveau de robotisation faible de son industrie : 1,2 robot pour 100 emplois contre 2,5 à 3 en Allemagne, au Japon, en Suède.

Les gains de productivité sont aussi fortement corrélés aux compétences de la population active. Or la France a, d’après les enquêtes de l’OCDE, un des niveaux de compétence les plus faibles de tous les pays de l’OCDE. Cela doit nous pousser à moderniser notre appareil productif et à améliorer les qualifications. Enfin, le vieillissement démographique peut toujours être compensé par une immigration forte, comme c’est le cas aujourd’hui en Allemagne.

 

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