" Osons un débat éclairé "

La France sort enfin du tout-TGV

La prochaine loi sur les mobilités devrait être l’occasion de définir un nouveau modèle mettant l’accent sur l’entretien des lignes existantes et la mobilité du quotidien.

Le TGV a été une remarquable réussite, avant de devenir un sérieux problème. Après avoir impressionné le monde par la rapidité, le confort, la ponctualité de ses premières lignes, le modèle a été appliqué à des lignes de plus en plus nombreuses et inadaptées.

L’opérateur (RFF, puis SNCF Réseau) a dû compenser leur absence de rentabilité. Il a limité l’entretien et la régénération du reste du réseau, entraînant des accidents tragiques comme celui de Brétigny-sur-Orge, et augmenté fortement les prix. Il n’est cependant pas parvenu à maîtriser la croissance de son endettement.

Des crédits supplémentaires

En 2012, le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), avec ses 245 milliards de projets annoncés par les autorités politiques, mais impossibles à financer, a mis en pleine lumière l’absurdité de la situation. Ce fut le mérite de la commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, d’exposer, en juin 2013, comment on pouvait rétablir une politique de mobilité durable, attentive à la mobilité du quotidien.

Pour certains, le choc fut brutal. La commission préconisait, en effet, l’arrêt de plusieurs projets importants, notamment les lignes à grande vitesse Marseille-Nice, Poitiers-Limoges, Paris-Normandie… L’adoption des conclusions de cette commission par le gouvernement a conduit à une forte augmentation des crédits destinés à l’entretien et à la régénération, dont les incidents récents dans plusieurs grandes gares confirment l’urgence et font apparaître une certaine perte de savoir-faire par l’opérateur.

Les élus ont bien réagi à cette nouvelle donne. Par exemple, le nouveau projet de ligne nouvelle pour Marseille-Nice traite intelligemment les problèmes aigus de mobilité dans la région, notamment ceux de la gare Saint-Charles à Marseille et de l’ensemble très important pour l’économie régionale et même nationale qui couvre Nice, l’aéroport, Cannes et Sophia Antipolis.

Nouveau modèle français

Le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) nouvellement créé vient de rendre son premier rapport. Celui-ci alimentera le projet de loi qu’Elisabeth Borne doit présenter au Parlement ce printemps. Ses propositions se situent dans la ligne des conclusions de la commission Mobilité 21. Elles confirment la priorité à l’entretien et à la régénération des lignes existantes et à la mobilité du quotidien.

Sur trois points, cependant, elles en diffèrent. D’abord, elles prennent fortement en compte la priorité à la transition écologique qui découle de l’Accord de Paris.

Ensuite, alors que la commission Mobilité 21 avait envisagé que les travaux d’entretien et de régénération se fassent sans grand saut technologique, le COI préconise de leur associer une modernisation de l’exploitation ferroviaire, notamment dans les domaines des systèmes et de la signalisation. Parallèlement, il fait des propositions intéressantes sur le véhicule autonome : la conservation des emprises abandonnées (en raison de la faiblesse du trafic) dans le monde rural pourrait permettre un déploiement précoce de services utilisant des véhicules autonomes.

Enfin, le COI a consacré beaucoup de réflexion au phasage des différents chantiers. Il s’agit de prendre acte de l’inévitable durée des chantiers pour non seulement faciliter leur financement, mais surtout concentrer dans les premières phases le traitement des sujets les plus importants pour la mobilité du quotidien, comme les noeuds ferroviaires autour des grandes gares de Paris ou de province. Par exemple, engager sans délai les travaux sur les noeuds ferroviaires du nord de Toulouse et du sud de Bordeaux aura de grands bénéfices sans attendre la réalisation de l’ensemble de la ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse.

La prochaine loi sur les mobilités devrait être l’occasion de définir un nouveau modèle français du ferroviaire, économiquement et financièrement efficace, et au meilleur niveau technique et écologique.

 

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