" Osons un débat éclairé "

Italie : du Capitole à la Roche Tarpéienne, ou l’inverse, avec les voisins ?

L’Italie a enfin un gouvernement mais de nombreuses incertitudes demeurent, notamment concernant le programme économique de la nouvelle équipe au pouvoir. Comment les marchés vont réagir dans les prochains jours et prochaines semaines ? Jean-Paul Betbeze explore les pistes de plusieurs scénarios possibles.

Italie, avec un G7 qui se réunit au Canada, pour les Ministres des finances et les Gouverneurs des banques centrales la semaine passée, puis pour les Chefs d’état et de gouvernement celle qui vient : on ne pouvait trouver meilleure caisse de résonance pour analyser ses problèmes. En effet, l’Italie sera là, entre le Canada affecté par la hausse américaine des droits de douane sur l’aluminium – et qui peste –, l’Allemagne et le Japon, par la menace de hausse tout aussi américaine sur l’automobile – et qui s’inquiètent –, la France, qui plaidera le multilatéralisme pour éviter le pire – assez isolée –, et le Royaume-Uni, en quête d’un allié crédible pour l’après-Brexit – l’espoir fait vivre. Complexe, pathétique, dangereux surtout.

Comment les marchés vont-ils réagir à tout cela ? Par rapport à l’Italie, ils pourraient se dire que le nouveau gouvernement a tenu compte de leurs réactions en ne mettant pas l’eurosceptique Paolo Savona au poste de ministre de l’économie. Pour réduire la provocation, ce sera en effet un universitaire europhile qui sera en charge (Giovanni Tria). Mais quel poids aura-t-il dans cette étrange alliance ? Les marchés financiers ont bien montré que les taux longs étaient le point faible italien, puis les banques, puis les entreprises industrielles, avec un secteur de PME qui faisait avant le « miracle italien », pour devenir aujourd’hui une structure endémiquement faible. C’est cette faiblesse qui explique une productivité qui avance peu, donc une croissance qui augmente moins que celle des autres pays de la zone, avec un taux de chômage élevé, tout ce qui donne des critiques sur l’euro au nord industriel et des critiques sur Rome et Bruxelles au sud, mais pas sur l’euro !

En fait les marchés financiers ont deux pistes :

  • celle où la crise italienne, plus les autres avec les mesures de Donald Trump, font éclater la zone euro, avec des tensions en cascade sur toutes les monnaies. Tout le monde se rue alors sur le dollar, jusqu’à faire ployer l’économie américaine,
  • ou bien celle où, devant les risques de la catastrophe, les membres de la zone euro prennent des mesures d’urgence. Il s’agit d’abord de soutenir la dette publique et les banques italiennes, puis de mettre en place un grand fond de la zone euro pour y soutenir les PME, dix fois plus que le plan Juncker ! Trop peu, c’est rien !

La piste Capitole – Roche tarpéienne est ouverte, si chacun campe sur ses positions : Allemagne qui ne fait pas assez de grands travaux, ni n’augmente les salaires chez elle ; Luxembourg, Irlande et Pays-Bas qui jouent aux paradis fiscaux ; France qui ne réforme pas assez ; Espagne avec un nouveau Premier ministre qui ne met pas la compétitivité au premier plan…

La piste inverse, de la Roche au Capitole, est historiquement très rare. Elle suppose un sursaut de coopération, chacun comprenant que les choses ne peuvent continuer ainsi, avec un tel chômage au sud (dont la France), qui nourrit la montée du populisme, en attendant des élections dramatiques au Parlement européen.

Mais il faudra du courage et de l’union. La crise de la zone euro est profonde, et ce ne sont pas les 223 000 emplois nouveaux américains, avec un salaire horaire qui monte seulement de 2,7% sur un an et un taux de chômage à 3,8% qui doivent la faire oublier. Les taux italiens repassent à 2,7%, au-dessous des taux américains à 2,9%, la bourse de Milan remonte un peu : tant mieux ! Il vaudrait mieux profiter de cette reprise américaine qui dure encore, en jouant plus l’union de la zone euro que cette concurrence fiscale et sociale interne qui la mine, en renforçant un tissu des PME et des ETI qui ne pourra que souffrir, face aux États-Unis et à la Chine.

Le G7, au Canada, ne doit pas se tromper d’analyse, la croissance ne peut-être que globale –  mais mieux équilibrée et répartie. La zone euro doit cesser de se diviser encore, apeurée devant les États-Unis et le dollar, naïve devant la Chine. La baisse de l’euro est une bonne chose, à condition d’en profiter ensemble, mais pas dans un bilatéralisme « d’égal à égal », entre Italie et Chine d’un côté, Italie et États-Unis de l’autre, par exemple !

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