" Osons un débat éclairé "

L’absolue nécessité d’une politique de la jeunesse

PRECAIRE1Plus que jamais, nous avons besoin de donner des perspectives à notre jeunesse. Mais aussi de construire des ponts entre les générations et entre ceux qui contribuent à la solidarité et ceux qui en bénéficient. Notre jeunesse est-elle « sacrifiée » ? Le débat s’est développé sous de multiples facettes, mais les travaux les plus récents montrent qu’il n’y a pas d’évolution majeure dans les transferts intergénérationnels. En revanche, notre jeunesse est en souffrance et en mal d’avenir, car trop souvent confrontée à un chômage préoccupant, à la précarité, à la difficulté de se loger et au pessimisme ambiant qui va de pair avec la stagnation économique.

Notre conviction est double. La jeunesse ne doit plus être l’impensée de notre contrat social, mais faire l’objet d’une politique très ambitieuse. Cette politique doit s’appuyer sur un nouveau contrat entre générations, car le contrat social, né avec Hobbes, Locke et Rousseau, renouvelé en 1945 avec l’Etat providence, est devenu inadapté. Il doit désormais intégrer une dimension intergénérationnelle, tout en s’inspirant des apports précieux de John Rawls et d’Amartya Sen sur la justice et l’équité.

Alors, comment faire ? Nous faisons appel à de vraies révolutions culturelles et politiques au travers de quatre deals entre les générations, autrement dit des accords gagnant-gagnant, qui concernent le marché du travail et le logement, la formation, la santé, et la retraite.

Un « droit au logement » s’impose pour les jeunes afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail. Une allocation logement conséquente, de l’ordre de 400 euros mensuels, pourrait se conjuguer à un contrat à droits progressifs et à une rémunération plus faible que le SMIC pendant une durée limitée. Une telle mesure, dont le coût annuel serait d’environ 5 milliards d’euros, ne peut se concevoir que dans le cadre d’une vraie politique de construction de logements destinés principalement à la jeune génération. En parallèle, il faut favoriser l’activité des seniors de 60 à 65 ans, en amplifiant l’effort de formation professionnelle dès l’âge de 50 ans pour leur permettre de se maintenir en emploi. L’enjeu de ces politiques est d’augmenter la population active de plus de 2 millions de personnes, ce qui sera source de richesses supplémentaires.

Ces mesures s’inscrivent dans la perspective de plus grandes mobilités professionnelles. Aussi, nous imaginons une société dite de la seconde chance dans laquelle chacun disposerait d’un droit de tirage d’un an de formation au cours de sa carrière pour remettre à jour ses compétences ou en acquérir de nouvelles.

La part des dépenses de santé dans le PIB devrait continuer à croître d’ici à 2060, de l’ordre de 3 points, au bénéfice du vieillissement actif de la population et de la prévention santé envers la jeunesse. Le financement devrait être proportionnel aux bénéfices tirés de l’effort de santé, à savoir pour les jeunes et les adultes actifs une meilleure espérance de vie, et pour les retraités le « bien vieillir ». Ce financement devrait être facilité par la meilleure croissance économique que peut impulser ce dynamisme des dépenses de santé.

Les jeunes générations n’ayant pas confiance dans le système de retraite, il nous a semblé essentiel, d’une part, d’assurer la pérennité du système en le réformant structurellement et, d’autre part, de le rendre crédible à leurs yeux en instaurant dans les années à venir un produit d’épargne retraite obligatoire. Celui-ci irait alimenter l’actuel Fonds de réserve pour les retraites, ce qui permettrait à terme de limiter la baisse relative des pensions par rapport aux revenus d’activité. Bien sûr, cela revient à demander un effort d’épargne aux actifs actuels, mais les retraités pourraient aussi y contribuer par solidarité.

Ce nouveau compromis entre générations suppose beaucoup d’imagination, de volonté et de bouleversements ainsi que des politiques centrales. C’est à cette seule condition que nous éviterons des tensions insupportables entre les habitants de notre pays.

Jean-Hervé Lorenzi, Alain Villemeur et Hélène Xuan

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