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L’amendement Ayrault sur la CSG : une nouvelle régression française

L’Assemblée nationale a voté l’amendement Ayrault qui vise à verser, à partir de 2017, une fraction de la prime d’activité. Cette dernière doit remplacer en janvier 2016 la prime pour l’emploi et le RSA activité, sous forme de CSG dégressive pour les revenus inférieurs à 1,3 SMIC.  Selon Christian Saint-Etienne, le sujet, d’apparence technique, est ultra politique avec des conséquences potentielles considérables.

Jean-Marc Ayrault est le Premier ministre du choc fiscal de 2012-2013 qui a cassé la reprise, de la taxe à 75% sur les hauts revenus qui fut jugée en partie comme inconstitutionnelle, de l’hyper concentration de l’impôt sur le revenu sur les classes moyennes et moyennes supérieures qui a accéléré la fuite des cerveaux, de l’écrasement fiscal des familles et de la hausse de la fiscalité sur le capital qui fait fuir les entrepreneurs.

La CSG, inventée par Michel Rocard, est l’impôt le plus juste car tout le monde le paie en proportion de ses revenus. Celui qui gagne dix fois plus que l’autre paie dix fois plus de CSG, alors même qu’elle finance pour l’essentiel des dépenses qui bénéficient surtout aux classes populaires. De ce fait, c’est déjà un impôt très progressif. De plus, la CSG est un impôt citoyen que tout le monde paie, ce qui est un élément clé de l’égalité républicaine d’autant plus important que plus de la moitié des ménages ne paie pas l’impôt sur le revenu, et que 10% des ménages paient 70% de l’impôt sur le revenu.

Porter atteinte à la CSG est donc un mauvais coup porté à nos finances publiques et à la citoyenneté. Mais, si cela ne suffisait pas, on utilise une partie de la prime d’activité, qui a justement pour effet de récompenser l’activité, pour financer une ristourne de CSG. Et c’est là que cette mesure d’apparence technique prend un aspect très politique et contreproductif dans un pays dont l’activité stagne depuis trois ans.

Le système social français organise une redistribution massive des revenus avec des prestations sociales qui ont atteint 690 milliards d’euros en 2014, soit plus de 32% du PIB. Cette redistribution massive est couplée à une fiscalité écrasante sur le travail et sur le capital qui décourage les actifs et les investissements, et donc l’emploi. La redistribution, couplée à la fiscalité écrasante, fait système : elle entretient des millions de travailleurs potentiels dans l’inactivité tandis que de nombreuses prestations sociales dépendent soit du revenu soit du statut : par exemple, selon les régions, le chômeur ne paie pas les transports en commun ou a droit à des prestations spécifiques.

Ainsi, pour un chômeur, reprendre une activité peut réduire ses revenus en lui faisant perdre certaines allocations ou prestations. On a ainsi créée des trappes à inactivité qui sont devenues des trappes à pauvreté. On a donc construit une société de dépendance qui alimente la défiance et le ressentiment entre citoyens. La nouvelle mesure Ayrault aggrave ces trappes à pauvreté et poussera encore moins les inactifs à chercher du travail car ils devront à nouveau payer la CSG s’ils retrouvent du travail au-delà d’un certain seuil de revenu. Il s’agit donc d’un mécanisme infernal qui vise à accentuer la société de dépendance et la défiance qui sont les véritables cancers de la France.

Sous couvert de générosité, la nouvelle mesure Ayrault est dangereuse : elle augmente la défiance entre Français et accentue les mécanismes de sous-développement économique qui font que seule la France a vu le chômage augmenter sur un an parmi les grands pays européens. De plus, nous avons en 2015 un déficit public excessif et une dette dont la dynamique reste préoccupante. Le gouvernement a bien perçu les risques et s’est opposé initialement à cette mesure. Christophe Sirugue, député PS et auteur d’un rapport qui a conduit à la création de la prime d’activité, est contre le dispositif Ayrault. Il souhaite qu’il soit repoussé à 2018, dans l’espoir vraisemblable qu’il soit annulé par un prochain gouvernement. La France a suffisamment de problèmes économiques et sociaux actuellement pour ne pas en créer de nouveaux, en inventant des usines à gaz aussi dangereuses qu’inutiles.

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