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L’énigme des emplois vacants

1217756_lenigme-des-emplois-vacants-web-021878895977Au-delà des discours simplistes sur l’égoïsme de l’entrepreneur et la paresse du salarié, la vacance des emplois est au coeur des impuissances françaises et du déni des difficultés qu’elle soulève. Il faut adapter nos politiques de formation et de logement.

 

 

Tout semble parfaitement établi, tant leur définition que leur chiffrage : 230.000 en février 2016 d’après les données de l’Insee. Pourtant, le sujet des emplois vacants est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Et il est essentiel pour la relance de l’activité en France. Loin de nous l’idée de penser que la mauvaise adaptation de l’offre et de la demande sur le marché de l’emploi serait essentiellement le fait d’un refus des entreprises de voir le nombre de leurs salariés augmenter ou le fait d’une partie de la population française qui se réfugierait avec bonheur dans l’assistanat. La mise en exergue de tel ou tel cas marginal ne peut en aucun cas expliquer ce déséquilibre de notre marché du travail, surtout s’il s’avérait que le nombre d’emplois vacants était plus important qu’annoncé.

En réalité, il existe des emplois vacants et des emplois potentiellement vacants. Beaucoup d’entre eux ne sont même pas proposés aux demandeurs d’emploi simplement parce qu’il règne en France une autocensure, issue du fait que les qualifications parfois exigées n’existent même plus. Prenons un exemple de définition restrictive de ces emplois, celui des 100.000 emplois qui correspondent aux départs en retraite dans l’industrie en 2016 – comme c’est le cas chaque année depuis le début de ce siècle – et pour lesquels beaucoup de formations ont été supprimées au point de créer, artificiellement, des « métiers en tension ». Cette illustration, si emblématique, montre à quel point seule une analyse ouverte et rigoureuse permettra de lever le voile sur ces réalités en établissant des chiffres solides.

Du côté de l’offre, celle-ci apparaît comme potentiellement plus forte que les chiffres au-delà des discours récurrents sur le poids des charges sociales. Du côté de la demande, notamment celle des jeunes, l’analyse se doit d’être plus globale et transversale que celles si souvent développées. Il y a la question de la qualification, essentielle. Il y a des métiers difficiles, à l’instar de ceux de la restauration. Mais il y a également la question du logement, valable d’ailleurs pour toutes les générations. Pour les jeunes, l’impossibilité de se loger s’impose s’ils s’éloignent. Pour ceux qui ont un logement social, qui prendrait le risque d’aller s’aventurer dans une ville où l’on perdrait cet avantage ? La persistance du problème du logement en France liée à l’impuissance des pouvoirs publics à le résoudre constitue l’un des maux essentiels de notre marché du travail.

Au-delà des discours simplistes et erronés sur l’égoïsme de l’entrepreneur et la paresse de l’employé, la vacance des emplois – même dans sa définition la plus stricte – est au coeur des impuissances françaises et du déni des difficultés qu’elle soulève. C’est la raison pour laquelle les chiffres et études sur ce thème sont rares, dispersés, peu commentés et abusivement utilisés. Imaginez un instant que les emplois vacants – et c’est notre analyse – soient nettement plus conséquents que les chiffres régulièrement évoqués et que l’on parvienne à préciser les raisons de cette vacance. Alors, cette incongruité de notre pays pourrait être surmontée pour partie. Il faudrait dès lors imaginer des politiques publiques plus adaptées pour le logement, la formation et l’incitation. Mais, surtout, l’on changerait durablement le monde des politiques d’emploi. Parce que, si l’on dépasse les arguments étayés lors du débat autour de la loi El Khomri, tout changement, comme toujours, suppose une bonne dose de confiance pour être mené à bon port. La confiance, ici, repose sur le fait qu’il existe des emplois en France et que l’on va continuer à en créer de manière suffisante. Tous les arguments allant à l’encontre du report de l’âge de la retraite se concentrent sur cette idée qu’une pénurie de création d’emploi est à l’oeuvre et frappe en conséquence les salariés concernés. Il en va de même au sujet de l’adaptation de la jeunesse qualifiée et de la jeunesse non qualifiée aux emplois du passé et de d’avenir.

Il va sans dire que résoudre le problème de la vacance de l’emploi ne résoudrait pas la question du chômage dans notre pays. Cela permettrait néanmoins de redonner confiance dans les politiques pour l’emploi qui se succèdent, se ressemblent, et échouent inlassablement. Que faire dans ces conditions ? Il faut analyser les définitions et chiffres des emplois vacants, les décortiquer, les expliciter ; en comprendre les tenants et aboutissants, et tenter d’adapter, d’ajuster les politiques de formation et de logement à ce qui est vraisemblablement l’une des énigmes les plus symptomatiques des difficultés françaises.

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