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Les entreprises face à la barrière des normes

1160645_les-entreprises-face-a-la-barriere-des-normes-web-tete-021364401571_660x439pL’ « Abgas Skandal » ayant fait chuter Martin Winterkorn mercredi 23 septembre vient de rappeler aux européens l’importance de la question des normes techniques et des procédures de certification, au cœur de la négociation du Traité transatlantique avec les Etats-Unis.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le démantèlement des droits de douane s’est progressivement fait à l’occasion de Cycles de négociation – les « rounds » – initialement conduits au sein d’un club très fermé de pays industrialisés, puis élargis pour intégrer les pays en développement et les émergents. A l’arrivée, les droits sont devenus peu protecteurs sur la plupart des grands marchés, à l’exception de quelques pics pour des produits sensibles. La moyenne des droits appliqués par l’Union européenne est de 5,5%. Elle est de 3,5% aux Etats-Unis, 10,0% en Chine et 13,5% en Inde.

Pour les exportateurs, cela ne signifie pas que le monde soit devenu « plat », pour reprendre la formule de Thomas Friedman. Loin s’en faut. La valeur du commerce à l’intérieur des frontières est un multiple du commerce avec l’étranger, toutes choses égales par ailleurs quant à la taille des marchés et à leur éloignement. Ce puzzle de l’économie internationale (on parle de « border effect ») résiste à la prise en compte des droits de douane ou des différences de langue. Quel est donc ce mur invisible qu’un tiers des entreprises manufacturières françaises ne parvient pas à franchir ? Comment expliquer qu’un pour cent de l’ensemble des entreprises exportatrices représentent à elles-seules les deux tiers de la valeur des exportations manufacturières françaises ? Franchir la frontière sélectionne les entreprises : seules y parviennent les plus productives, les plus grandes, les plus profitables, attirant les meilleurs salariés en distribuant les plus hauts salaires.

Ce mur est fait, pour l’essentiel, de différences réglementaires, de normes à respecter, de procédures de certification à mener à bien. Traduire le mode d’emploi du produit que l’on exporte ne suffit pas ! L’actualité nous le rappelle souvent à propos des produits alimentaires ou des cosmétiques, pour lesquelles normes sanitaires et phytosanitaires différent d’un marché à l’autre. Moins connues du grand public mais tout aussi contraignantes sont les normes techniques. Notre téléphone portable, notre automobile, les jouets de nos enfants, sont des nids de normes techniques. Lors de la dernière réunion du Comité concerné de Organisation Mondiale du Commerce (OMC)  en juin 2015, les Etats-Unis se sont ainsi émus de ce que l’interdiction envisagée par la France du bisphénol A pourrait entraver le commerce international de jouets.

Traiter efficacement ces sujets dans un cadre multilatéral, c’est-à-dire avec les 160 autres membres de l’OMC, est une gageure. Ces sujets doivent être abordés en cercle restreint, avec les pays partageant les mêmes valeurs en termes de protection du consommateur, de respect des normes, mais ayant pourtant des pratiques réglementaires différentes. C’est bien l’objet des négociations sur le Traité transatlantique, annoncées en février 2013 et lancées en juillet de la même année.

Il ne s’agit pas nécessairement d’une reconnaissance mutuelle des normes, une voie empruntée dans le marché unique européen, ni d’une convergence des normes. Plutôt une mise en cohérence, à chaque fois que possible. Et surtout, il s’agit de savoir qui certifie le respect de la norme. Les procédures à suivre, tout comme l’accréditation des organismes, sont des enjeux clé : un organisme de certification européen peut-il être accrédité pour tester des produits exportés aux Etats-Unis ? Dans l’automobile, les procédures d’évaluation de la conformité diffèrent sensiblement des deux côtés de l’Atlantique. On ne part pas, toutefois, d’une page blanche dans la mesure où des accords partiels existent dans d’autres secteurs, comme la pharmacie ou les équipements de télécommunication par exemple. Mais beaucoup reste à faire. Les divergences techniques existantes dans le secteur automobile peuvent être irréductibles, mais une approche par résultats (en fonction d’objectifs de sécurité ou d’environnement par exemple) est envisageable.

L’Administration américaine  vient d’infliger aux européens un rappel à l’ordre : avançons sur la question des normes techniques.


 

Sur le thème de l’industrie automobile,  à revoir, sans modération, la session « Repenser l’industrie automobile » de Lionel Fontagné aux Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence 2013 avec Carlos Gohsn, Jaques Attali,…

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