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Les PME face à la nouvelle finance

les-pme-face-a-la-nouvelle-finance-web-tete-0204269Une nouvelle vague de désintermédiation des financements s’amorce, en France comme dans le reste de l’Europe. Accompagnée d’une relance souhaitable, mais qu’on espère maîtrisée de la titrisation, elle va révolutionner nos structures de financement. Aujourd’hui, dans la zone euro, le financement de l’économie réelle est aux deux tiers assuré par les banques, à un tiers seulement par les marchés financiers – des proportions inverses des Etats-Unis. La tendance est là, poussée par l’impact des indispensables règles prudentielles nées comme réponses à la crise. Sans entrer dans les détails, le dispositif Bâle III, qui se veut mondial, va probablement pousser les banques à plus de sélectivité dans la distribution des crédits. Solvabilité II, qui n’est qu’européen, décourage par sa pondération des risques les compagnies d’assurances de financer en fonds propres les entreprises. Rajoutons-y l’aspect du vieillissement de nos sociétés qui ne favorise pas le financement du risque.

Surgit donc un problème de poids. Pour les PME et certaines entreprises de taille intermédiaire (ETI), les financements de marché susceptibles de venir « compenser » des crédits bancaires ne vont pas tomber du ciel comme dans la parabole de Milton Friedman où la monnaie tombe de l’hélicoptère… Il faut donc organiser et encourager de tels financements de substitution. Le premier axe consiste à renforcer ce qui existe ou ce qui est programmé. Les premiers pas de bpifrance sont encourageants, et ce qui ira dans le sens du renforcement de l’institution et de son appui aux PME-ETI est bienvenu. Sur le plan européen, cette population d’entreprises bénéficiera d’une partie du plan Juncker et des cofinancements public-privé. L’épargne privée disponible est abondante en Europe, on aurait donc pu aller bien au-delà des 315 milliards d’euros projetés sur trois ans. Une exigence : mettre en oeuvre ce plan rapidement.

Second axe, il faut mieux calibrer les réglementations prudentielles et faire en sorte que le renforcement nécessaire de la stabilité financière ne remette pas en cause l’indispensable financement de l’économie réelle. Pour Bâle III, le dispositif est bouclé certes, mais il faudra rapidement en évaluer les conséquences quitte à opérer au niveau européen et de manière pragmatique les ajustements nécessaires. Pour Solvabilité II, il subsiste encore un espace de négociation, et la raison doit l’emporter afin d’élargir les achats d’actions par les assurances et d’appliquer des règles comptables moins court-termistes.

La relance du capital-investissement (« private equity ») fait évidemment partie des priorités puisqu’il y a là une voie significative pour augmenter les fonds propres des sociétés non cotées. Bonne nouvelle, on a quasiment retrouvé le niveau record d’argent collecté en capital-investissement (CI), mais, surtout, la part du capital-développement a augmenté dans le total du CI en 2014. Tout cela n’est cependant pas suffisant. La relance du CI passe aussi par de fortes incitations fiscales pour améliorer la rentabilité souvent décevante du stade amont qu’est le capital-risque.

Ensuite, depuis des années, l’objectif est d’attirer plus de PME-ETI en Bourse, avec les résistances que l’on sait à la fois du côté des émetteurs et des investisseurs. Ne pas se décourager, tel doit être le mot d’ordre, pousser à la sortie du CI sur Alternext et sur les compartiments B et C d’Euronext et avec le support d’Enternext, sans négliger l’apport d’émissions obligataires mutualisées entre plusieurs entreprises, qui constituent sous certaines conditions une piste intéressante même si ce n’est pas la panacée.

Les mesures complémentaires sont nombreuses. Juste deux illustrations. Il faut « améliorer » le PEA PME qui affiche au bout d’un an un bilan globalement décevant, en renforçant sa transparence en matière de risques, en élargissant l’éligibilité vers les obligations convertibles en actions, etc. L’essor de la finance participative (« crowdfunding ») n’est, quant à lui, pas décevant. Les plates-formes poussent comme des champignons, facilitant le financement de petits projets. Il va falloir trouver à ce sujet un équilibre entre les salutaires initiatives individuelles et la régulation de cette nouvelle finance.

On l’aura compris, pour permettre aux PME-ETI de tirer leur épingle du jeu de cette nouvelle désintermédiation plutôt que d’en être les victimes, il faut combiner tout un ensemble de pistes, surtout ne pas compter sur une recette miracle. L’enjeu est de taille pour soutenir l’investissement, la reprise et l’emploi. C’est justement parce que les effets des mesures proposées se manifesteront à plein sur le moyen terme qu’il faut les engager dès maintenant.

 

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