" Osons un débat éclairé "

L’heure de vérité va bientôt sonner en France

L'heure de véritéAprès l’euphorie de la croissance retrouvée, la France va se heurter au principe de réalité. La croissance est là, mais se traîne. La BCE a avoué que la politique monétaire avait atteint ses limites et ne pourrait plus venir au secours de cette croissance. La politique budgétaire va être fortement contrainte par le programme d’austérité qui s’annonce après les municipales. Le reste du monde croît, mais dans l’incertitude que suscitent la Chine et les troubles dans les autres pays émergents, fragilisant les perspectives d’exportation. Doit-on se résigner à la morosité ? Non, parce que les institutions européennes, renforcées silencieusement pendant la crise, vont nous forcer à réfléchir à une stratégie de croissance, et ce, au calme, après les municipales.

La situation économique déçoit optimistes et pessimistes. Au début de l’année, les optimistes croyaient à la lumière au bout du tunnel, à une reprise suffisamment vigoureuse pour nous tirer du mauvais pas de la crise de dette souveraine et de confiance dans l’Europe. Les pessimistes, eux, espéraient presque une situation économique très mauvaise pour que la BCE soit contrainte d’enfin faire fonctionner la planche à billets, ce qui serait la panacée à tous nos maux. Trois mois plus tard, la réalité suggère que les deux ont eu tort.

Certes, l’Europe renoue avec la croissance, mais trop faiblement. La France, comme l’Espagne, mais aussi l’Italie, qui se stabilise politiquement et annonce un grand plan de régénération de l’économie, atteindront entre 0,5 % et 1 % de croissance. Avec une croissance aussi faible, le chômage ne baissera pas ou peu, les problèmes sociaux augmenteront. Avec une croissance et une inflation aussi faibles, les dettes continueront de croître. En outre une croissance aussi faible est fragile, trop dépendante d’une dynamique mondiale qui hoquette, sous les soubresauts des pays émergents instables (Chine, Russie, Brésil), et de la Fed qui replie progressivement la voilure.

En même temps, la politique monétaire se révèle impuissante. Alors que le spectre de la déflation grandit, contrairement aux attentes optimistes des pessimistes, la BCE ne réagit pas. Au lieu de se lancer dans une politique de rachat de dettes de grande ampleur, un « QE » (plans d’assouplissement monétaire quantitatif) à l’européenne, la BCE tient fermement le cap, refuse d’envisager plus d’assouplissement de sa politique monétaire, et renvoie sèchement les pays de la zone euro à leurs devoirs d’assainissement budgétaire et de réformes structurelles.

En prime, Bruxelles s’alarme des faiblesses structurelles de la France et demande des réformes. Non contente de souligner la perte colossale de parts de marché (-14 % entre 2007 et 2012), qui a fait basculer la France du surplus au déficit extérieur, Bruxelles dénonce les politiques économiques qui n’encouragent pas la population active à améliorer ses qualifications; les rigidités du marché du travail qui freinent les réorganisations des entreprises en période de crise; le niveau d’imposition trop élevé des entreprises, qui, aujourd’hui, affichent des taux de marge à des niveaux record à la baisse, augmente leurs niveaux de dette et freine les investissements. Elle s’alarme aussi des difficultés récurrentes de la France à réduire le déficit et à inverser la dynamique de la dette, rappelant les engagements de la France en matière de réduction de dépenses publiques entre 2014 et 2017 (50 milliards ou 2,5 % du PIB).

Heureusement, la France a jusqu’au 15 avril pour présenter à Bruxelles les mesures envisagées pour juguler ces déséquilibres. Heureusement à deux titres : d’une part, parce que les institutions bruxelloises, qui ont été renforcées par la crise, n’imposent pas de diktat sur les réformes à mettre en oeuvre – contrairement à ce que l’on a pu entendre au moment de la réforme des retraites -, mais imposent, effectivement, d’y réfléchir. Ce que Bruxelles demande, c’est un plan crédible sur une stratégie de réformes, beaucoup plus qu’une austérité aveugle. Parce que même Bruxelles a tiré les leçons de la crise. Ce qui va nous amener à prendre des décisions et faire des vrais choix. D’autre part, parce que l’échéance bruxelloise est après les élections municipales : il sera ainsi possible de privilégier la réflexion à un plan d’économies à l’arraché, toujours dommageable pour la croissance. On peut l’espoir garder !

 

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