" Osons un débat éclairé "

Lutter contre l’échec scolaire dans les banlieues

Lutter contre l'échec scolaireComme nous y invite le magnifique discours de Manuel Valls, salué sur tous les bancs de l’Hémicycle, acceptons de regarder en face les failles béantes au sein de la communauté nationale qui ont pu mener aux meurtres des 7 et 9 janvier. Il apparaît au grand jour qu’une partie de la jeunesse issue de l’immigration ne partage pas l’intense émotion qui a saisi le pays. Ce constat douloureux doit être compris en profondeur, non pour stigmatiser cette partie de notre communauté nationale, mais pour mettre fin au laisser-aller qui a présidé à ce constat d’échec. Une partie de cette jeunesse fait sécession, en grande partie parce que son intégration économique est un échec.

Comment partager les valeurs d’une société quand l’insertion professionnelle est si difficile ? Comment ne pas avoir un sentiment d’échec et donc de haine par rapport à soi, qu’il est plus confortable de retourner en haine des autres, quand on subit un taux de chômage de 45 % ! Il faut briser ce cercle vicieux où les difficultés d’emploi, les erreurs de la politique du logement se conjuguent pour créer un terreau favorable au développement des trafics qui, en retour, favorise le décrochage scolaire, bloquant ainsi, de fait, toute perspective d’ascension sociale. A titre d’exemple, dans un tiers des arrondissements de Marseille, la moitié des 15-24 ans non scolarisés est sans diplôme, le double de la proportion nationale ! Des actions majeures sont à entreprendre pour inciter à la réussite scolaire, le moteur de l’ascenseur social. Celle-ci combine trois facteurs : la qualité des enseignants, l’investissement scolaire des intéressés et la qualité du réseau de fréquentations. Nos propositions visent à agir sur les deux derniers.

L’investissement dans l’éducation dépend du coût d’opportunité de l’école et du taux de rendement dans l’éducation. Pourquoi investir dans les études si l’on peut gagner facilement de l’argent sur le marché des stupéfiants et si l’on se sait discriminé par rapport à ses origines sur le marché du travail ? Nous proposons de remédier à ces deux déficiences. Aucun pays ne vient à bout des trafics de drogue et, au fur et à mesure que la consommation de cannabis progresse, la proscription de son commerce fonctionne comme une incitation déguisée au décrochage scolaire. Personne ne pense que la consommation prolongée de cannabis n’est pas potentiellement dangereuse pour la santé, au même titre que la consommation de tabac ou d’alcool. Ce problème de santé publique se double d’un vaste marché noir qui détourne les jeunes de l’école, les engageant dans une impasse. Nous préconisons la nationalisation du commerce du cannabis, seul l’Etat pouvant en faire commerce, uniquement à des adultes évidemment. La perte économique pour un certain nombre de quartiers serait considérable et les emplois que l’Etat créerait dans ce secteur devraient être en priorité réservés à la reconversion des personnes qui se livrent actuellement au trafic de drogue. La consommation de cannabis comme de l’alcool par des mineurs resterait évidemment prohibée. Il resterait, assurément, un marché noir résiduel, mais le nombre de personnes impliquées dans ce trafic diminuerait notablement. Parallèlement, une action publique, ostensible, très vigoureuse doit sanctionner tout comportement discriminatoire sur le marché du travail, afin de rendre rentable l’investissement dans l’éducation.

Une action pour promouvoir la mixité sociale dans les écoles est aussi indispensable et donc rompre avec la sectorisation scolaire dans les villes ségréguées et affecter les enfants dans des écoles qui ne sont pas de leur quartier. Même s’il n’est pas prouvé que le « busing » est efficace sur le plan strictement scolaire, les bénéfices à attendre sur le plan extrascolaire dans le cas d’espèce sont évidents. Les théories du complot à propos des attentats ne peuvent perdurer que parce que certains quartiers et donc leurs écoles sont devenus des ghettos fermés à la communauté nationale.

Enfin, pour les jeunes sans diplôme, le développement de l’apprentissage, à l’instar du modèle allemand, est la seule solution en s’appuyant sur les écoles de la seconde chance. Comme l’indique un récent rapport du Conseil d’analyse économique, une réforme d’envergure de l’apprentissage est absolument nécessaire et les jeunes les plus éloignés de l’institution scolaire doivent en bénéficier en priorité.

La mobilisation de l’école pour la République annoncée par Najat Vallaud-Belkacem est nécessaire mais pas suffisante. Il faut également agir autour de l’école. La République est fraternelle, a dit le Premier ministre, il est grand temps de le démontrer.

 

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