" Osons un débat éclairé "

Non, la jeunesse n’est pas sacrifiée!

imgresL’idée d’une jeunesse sacrifiée n’est pas nouvelle. Déjà, en 1836, Musset trouvait qu’il était « venu trop tard dans un monde trop vieux ». Aujourd’hui, nous avons aussi un coupable idéal : la génération du baby-boom. Ceux qui ont écrit en 1968 dans un amphithéâtre de la Sorbonne « On ne revendiquera rien, on ne demandera rien, on prendra, on occupera » auraient mis leur plan à exécution. L’histoire économique de ce conflit de générations est bien connue : les baby-boomeurs auraient successivement bénéficié du plein-emploi lorsqu’ils étaient jeunes, d’une inflation maîtrisée lorsque, bien installés dans la vie, ils se sont mis à épargner et, enfin, de retraites préservées depuis qu’ils quittent la vie active. L’ironie de la situation, c’est que de nombreux baby-boomeurs partagent le sentiment que la vie est plus dure pour la jeunesse d’aujourd’hui.

Or une analyse des tendances économiques sur longue période ne permet pas de conclure que les jeunes d’aujourd’hui sont défavorisés par rapport aux jeunes d’hier. Ils vivent dans une société plus riche (la consommation moyenne est trois fois supérieure à celle qui prévalait en 1960), plus éduquée (le taux de bacheliers n’était que de 11 % en 1960) et dans laquelle on vit beaucoup plus longtemps (l’espérance de vie a augmenté de plus de 20 % depuis 1960). Et l’Etat n’est pas en reste. Certes, les personnes âgées sont plus nombreuses qu’avant et les budgets des caisses de retraite et de Sécurité sociale s’en ressentent. Mais, comme le montre une note récente de France Stratégie, dès que l’on raisonne en dépenses par tête, il est clair que les jeunes n’ont pas été lésés par la protection sociale.

La réussite des baby-boomeurs ne s’est pas faite aux dépens des jeunes d’aujourd’hui. Mais cela n’empêche pas qu’une partie de la jeunesse puisse ressentir un véritable désarroi. Comme le montre l’ouvrage de Lorenzi, Villemeur et Xuan (« Le Désarroi d’une jeunesse », 2016), lorsque la jeunesse perd confiance en son avenir, c’est toute la société qui tremble. S’inquiéter, s’indigner est le propre de tous les jeunes de toutes les générations, mais si le désarroi s’exprime souvent par le rejet du monde ancien, les causes n’en sont pas moins différentes à chaque époque.

Le poison qui mine la jeunesse d’aujourd’hui est évidemment le chômage. Un jeune actif sur quatre au chômage, c’est beaucoup trop. Mais cette difficulté n’est pas spécifique à la France. Le taux de chômage des jeunes est partout plus élevé que le taux de chômage moyen : il est 2,2 fois plus élevé en France, ce qui correspond à la moyenne des pays de l’OCDE. En termes relatifs, les jeunes Français sont, par exemple, dans une situation moins favorable que celle des jeunes Allemands mais plus favorable que celle des jeunes Britanniques.

Nombreux sont ceux qui s’étonnent du soutien de la jeunesse à une forte protection de l’emploi, qui, de fait, pourrait conduire à rendre leur insertion plus difficile. Pour comprendre, il faut élargir son regard au marché du logement. Bruno Decreuse et Tanguy van Ypersele ont récemment montré de façon très convaincante que les attitudes vis-à-vis de la régulation du marché du travail dépendaient de celles du marché du logement. L’obtention d’un logement est malheureusement tellement dépendante du type de contrat de travail détenu qu’il est évident que les jeunes Français refusent que les contrats qui leur sont destinés soient précarisés. De ce point de vue, la garantie de loyer Visale destinée aux moins de 30 ans et proposée depuis peu par Action Logement, va dans le bon sens. Chômage et immobilier ne sont certainement pas les seules préoccupations de la jeunesse. Pour les connaître, il faut écouter les jeunes et encourager les initiatives qui leur donnent la parole. Parmi elles, les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence invitent chaque année cent étudiants à participer aux débats et à faire entendre leurs idées.

 

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