" Osons un débat éclairé "

Pourquoi l’Europe doit se rapprocher du Maghreb ?

union-maghreb-arabeSans divorcer de leur nord (l’Europe), les pays du Maghreb se tournent de plus en plus vers leur sud (l’Afrique subsaharienne).

Le tournant est logique et la tendance lourde, car cette inflexion stratégique est loin d’être achevée. Par-delà les défis politiques et les drames humains des migrants vers l’Europe, l’Afrique va combiner dans les années à venir la croissance (de 5 à 6 % par an), la démographie, avec un doublement de sa population d’ici à 2050, des marchés à conquérir… Et ce en plein ralentissement chinois et alors qu’une crise durable touche nombre de pays émergents.

Les pays du Maghreb ont raison de se mettre à l’interface entre l’Europe et le reste de l’Afrique, de se positionner comme une porte d’accès privilégiée vers la croissance et les marchés africains. Le cas du Maroc est à cet égard exemplaire. Chacune des grandes banques marocaines a acheté un réseau en Afrique subsaharienne. Avec le projet CFC (Casablanca Finance City), le Maroc veut créer une place financière régionale ; l’idée est excellente, même si sa réalisation est lente.

Tout bouge, mais l’Union pour la Méditerranée (UPM) manque de réalisations concrètes, et l’Union du Maghreb arabe (UMA) reste dans les limbes pour des raisons bien connues. C’est vraiment le moment de relancer le partenariat euro-méditerranéen en privilégiant les projets gagnant-gagnant, ceux favorables à la croissance et à la lutte contre le chômage en général et le chômage des jeunes en particulier, à l’éducation et à la formation, au développement durable et à la transition énergétique, à l’innovation et à la R&D… C’est justement aux thèmes de la formation professionnelle et de l’entrepreneuriat qu’est consacré le 11e Rendez-vous de la Méditerranée ce samedi 7 novembre à Marseille.

Consolider le tissu des PME et ETI relève des axes à privilégier pour avoir une chance d’atteindre de tels objectifs. Le renforcement de l’EuroMed, via un partenariat équilibré et ancré sur le long terme mais avec des résultats tangibles rapidement, est non seulement compatible avec l’approfondissement des liens entre le Maghreb et le reste de l’Afrique ; il lui est parfaitement complémentaire.

Dès 2003, pour le 1er sommet du 5+5 à Tunis, le Cercle des économistes avait chiffré les gains, pour tous les riverains de la Méditerranée, que représenterait une coopération renforcée. Il faut actualiser les chiffres en intégrant l’ancrage du Maghreb vers le sud qui s’ajoute à son ancrage au nord.

Les axes évoqués plus haut indiquent que, par-delà les écarts de développement, nous sommes tous entrés et nous allons tous rester dans un monde schumpétérien où la compétitivité des entreprises devient cardinale, ce qui est compatible avec le souci de la demande globale et celui de la réduction des inégalités dans toutes leurs dimensions : sociales, régionales, intergénérationnelles.

L’abondance de liquidités dans le monde ne fait pas disparaître la contrainte de financement. Partout, se posera la question du financement des PME et ETI, dans un contexte où les nouvelles règles prudentielles pousseront les banques vers plus de sélectivité. Il ne suffit pas d’anticiper la nouvelle vague de désintermédiation ; encore faut-il organiser, en partageant des objectifs et certains moyens, la relance du capital-investissement, l’essor maîtrisé de la finance participative (« crowdfunding »), l’entrée de plus de PME en Bourse, le développement de l’épargne longue, etc. Sans oublier le levier qui résulterait de la mise en place d’une banque de financement et d’investissement pour l’EuroMed, projet ancien mais encore d’actualité, ou de l’extension des fonds et autres lignes de crédit disponibles auprès des organismes multilatéraux (Banque mondiale, BEI, Commission européenne…).

Pour les entreprises françaises, en particulier les PME et ETI si décisives pour la croissance et l’emploi et souvent pas assez actives sur le marché maghrébin, des implications stratégiques en découlent. Il s’agit de renforcer leur présence sur la rive sud de la Méditerranée en ayant en tête deux objectifs : y conquérir des parts de marché, et en faire un tremplin pour aller vers l’Afrique subsaharienne dans de bien meilleures conditions.

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