" Osons un débat éclairé "

Priorité à l’investissement

Priorité à l'investissementLorsque l’on s’interroge sur cette incroyable perte de compétitivité de l’économie française et l’exceptionnel succès de l’économie allemande depuis dix ans, on retrouve comme explication première les niveaux relatifs de l’investissement des deux pays. Mais l’histoire est loin d’être terminée puisque l’investissement, malgré le bas niveau des taux d’intérêt, continue à reculer. Les « esprits animaux » chers à Keynes sont aujourd’hui mal orientés tant le brouillard est épais et l’instabilité des règles du jeu prégnante. Favoriser en France le rebond de l’investissement pour échapper à la croissance zéro et stopper la montée du chômage montre les limites du débat politique de l’offre-politique de la demande. Car l’investissement est à la fois une composante de la demande et le levier d’une politique de l’offre, de l’innovation, de la compétitivité et de l’emploi. Ce sont les gains de productivité nés des investissements qui permettent des hausses de salaires qui soutiennent la consommation, faisant passer du cercle vicieux actuel à un cercle vertueux dans lequel offre et demande s’alimenteraient réciproquement.

La confiance se perd vite, elle se regagne lentement, mais un certain nombre de mesures pourraient favoriser le mouvement. Voici de notre point de vue sept priorités :

1- L’accélération de la mise en oeuvre du Cice et du pacte de responsabilité, tout en renforçant les dispositifs d’évaluation de leurs effets, ce qui devrait servir en retour à améliorer une efficacité au départ incertaine.

2- L’adoption d’un plan PME. Sachant que les gisements d’activité et d’emplois se trouvent pour beaucoup dans les PME et les ETI, il faut stopper l’explosion des défaillances d’entreprises en faisant respecter les délais de paiement (y compris par l’Etat) et en augmentant les financements via bpifrance. Même si les PME non cotées vont déjà recevoir une grande part du Cice le renforcement du crédit d’impôt recherche pour les PME reste aussi une question ouverte.

3- La relance de la filière BTP-construction-logement, aux effets d’entraînement marqués sur le reste de l’économie. Depuis un an, l’investissement des ménages en logement recule de 2 à 3 % à chaque trimestre ! Les mesures annoncées vont dans la bonne direction. Débloquer l’offre est nécessaire mais prendra du temps. A court terme, il faut réduire les délais de paiement qui mettent beaucoup de PME de la filière en faillite, renforcer et surtout sécuriser les avantages fiscaux pour doper la demande des particuliers.

4- La mobilisation de l’épargne vers le financement de l’investissement productif et du long terme. Les Français sont avec les Allemands les champions de l’épargne en Europe (presque 16 % au 1er trimestre 2014). Chez nous, la montée du chômage et le risque retraite poussent à l’épargne. Parmi les mesures concrètes, il faut faire le point sur le PEA PME et le cas échéant l’améliorer. Quitte à amender certaines règles prudentielles y compris européennes, il faut ramener les compagnies d’assurances vers les marchés d’actions pour une part plus significative de leurs placements. Il convient de mettre l’imagination financière et la politique fiscale au service de la création d’un produit d’épargne à long terme simple et attractif, quitte à supprimer de nombreux véhicules financiers qui végètent…

5- L’augmentation du taux normal de la TVA de 1 point sans toucher aux taux réduits. Dans le contexte actuel de concurrence forte et d’inflation zéro, l’impact sur les prix et donc sur la consommation serait très limité. Les sommes dégagées permettraient de financer les propositions ci-dessus, sans remettre en cause la réduction programmée des dépenses publiques.

6- L’investissement en capital humain. Nous soutenons la proposition de Jacques Attali de remettre sur le métier la loi sur la formation professionnelle et de cibler en priorité les 35 milliards d’euros de celle-ci sur les chômeurs.

7- Le soutien de l’Europe. En cette rentrée, le débat devrait moins porter sur la BCE, plus pragmatique et activiste que ne le disent ses détracteurs, que sur la façon de plus et mieux utiliser la Banque européenne d’investissement (BEI) pour aider à financer les infrastructures, les PME, la transition énergétique… L’augmentation du capital de la BEI décidée en juin 2012 était nécessaire, il faut aller plus loin ! Sinon, le programme de 300 milliards d’infrastructures pour l’Europe de Jean-Claude Juncker restera lettre morte, et la nécessaire complémentarité investissements privés-investissements publics fera défaut.

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