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Retraites : la vraie réforme dont nous avons besoin

Sans réforme de notre système des retraites, les projections annoncent une baisse des pensions de l’ordre de 20 % d’ici 2060. La question s’impose, mais il n’est pas nécessaire de renier sur la solidarité nationale.

Jamais la défiance vis-à-vis du système de retraite n’a été aussi forte, tant pour les jeunes, 80 % d’entre eux ne croyant pas à sa pérennité , que pour les seniors, qui anticipent une baisse sensible de leurs pensions.

Et pourtant cette défiance est loin d’être complètement justifiée, car les réformes majeures entreprises depuis 1993 ont fait évoluer le système et reculer l’âge de départ à la retraite. Sans ces réformes, le poids des retraites dans le PIB, déjà très élevé en France, aurait augmenté de plus de 3 points à l’horizon 2050, ce qui aurait été difficilement supportable pour l’économie.

Pour autant, l’ampleur du problème devant nous est considérable : les pensions vont progresser moins vite que les salaires.

Redonner confiance

Dans les scénarios élaborés par le Conseil d’orientation des retraites (COR) , pas les plus pessimistes, la baisse des pensions pourrait atteindre en 2060 de l’ordre de 20 % par rapport au salaire moyen. Le niveau de vie des retraités actuels, un peu supérieur en moyenne à celui des actifs, deviendrait notablement inférieur.

Difficile dans ces conditions de faire adhérer des jeunes à un système aussi ingrat !

Il devient urgent de réformer à nouveau ce système pour redonner ­confiance aux actifs actuels, rassurer les retraités sur la pérennité du système actuel et limiter les effets récessifs sur l’économie d’une moindre consommation des retraités.

Les réformes classiques – dites paramétriques – sont à bout de course et de nouvelles solutions doivent s’imposer, au-delà du report toujours plus lointain de l’âge de départ à la retraite. Des nouvelles solutions qui doivent pérenniser ce système en le complétant.

Epargne retraite

Plusieurs millions de personnes ont déjà adhéré à des dispositifs d’épargne retraite individuels ou collectifs. Une récente étude, commanditée par la chaire universitaire « transitions démographiques, transitions économiques », jette un éclairage intéressant sur la généralisation d’un tel dispositif qui deviendrait national et qui permettrait de consolider les retraites par un volant d’épargne retraite, collective et obligatoire.

Une épargne de 3 % des revenus limiterait de moitié la baisse attendue des pensions

Sur la base d’une épargne dirigée, supportée par tous, la création d’un fonds de capitalisation doit permettre de financer à long terme un supplément de revenu pour les retraités.

Une épargne de 3 % des revenus limiterait de moitié la baisse attendue des pensions, compte tenu du placement des fonds en actifs financiers, avec un rendement annuel raisonnable de 3 %.

Pour les jeunes

Y aurait-il donc une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires ?

En réalité, il ne s’agit pas d’un prélèvement supplémentaire, mais d’une nouvelle orientation de l’épargne. La France a l’un des taux d’épargne les plus élevés d’Europe, mais cette épargne n’est pas placée à long terme dans des actifs de l’économie. Des pays proches comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède ont déjà fait ce choix d’un troisième pilier majeur avec l’épargne de long terme, tout en ayant de moindres prélèvements obligatoires.

Les jeunes générations seront les gagnantes à long terme d’un troisième pilier de notre système de retraite.

Cependant, les personnes aux faibles revenus pourraient éprouver de réelles difficultés à réaliser cet effort d’épargne. Des solutions peuvent être trouvées, par exemple en les aidant par une politique nationale d’incitation fiscale à entrer dans un tel dispositif, ou encore en limitant la baisse de leur taux de remplacement par la solidarité nationale.

L’investissement à long terme

Les avantages de la création d’un important fonds de capitalisation sont aussi géopolitiques – il pourrait atteindre à terme l’équivalent de 70 % du PIB, soit 1.400 milliards d’euros – car un fonds souverain des retraites en France induirait à l’avenir une amélioration considérable de la compétitivité de l’économie française en facilitant l’investissement de long terme dans les entreprises françaises, grandes ou moyennes.

Ce choix politique consacrerait un nouveau contrat entre générations, le retour de la confiance des jeunes générations, la préservation du pouvoir d’achat des futurs retraités, tout en orientant l’effort national d’épargne vers des investissements de long terme.

Jean-Hervé Lorenzi est président du Cercle des économistes ; François-Xavier Albouy et Alain Villemeur, chaire « transitions démographiques, transitions économiques ».

 

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