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Sélection à l’université : l’heure des choix

Nous devons accorder une priorité d’affectation aux lycéens les plus méritants. Ce sera toujours plus juste qu’un autre mode d’allocation engendré par un obscur logiciel, une sectorisation ou un tirage au sort.

L’affectation à l’université des bacheliers de 2017 aura été l’effrayant révélateur d’un système public d’enseignement supérieur qui, pétri de contradictions, peine à remplir sa mission. De l’avis de tous, il n’est pas acceptable que l’avenir professionnel d’un jeune soit tiré au sort. En mettant fin à ce système, le gouvernement a relancé la question de la sélection à l’université, l’un des « marronniers » favoris du débat public.

Rappelons quelques faits. Premièrement, l’entrée à l’université est sélective, car il est nécessaire de détenir le baccalauréat pour s’y inscrire. Certains ne manqueront évidemment pas de dénigrer ce premier diplôme universitaire, mais n’oublions pas que plus d’un jeune sur quatre ne l’obtient pas.

Deuxièmement, force est de constater que la plupart des acteurs veulent pouvoir sélectionner. Les étudiants veulent évidemment sélectionner leur filière universitaire et leur établissement, même s’ils s’opposent parfois à ce que l’on puisse les sélectionner. C’est pourtant le souhait des établissements d’enseignement supérieur. Ceux qui sont autorisés par la loi à sélectionner leurs étudiants s’enorgueillissent de ce privilège et communiquent intensément sur l’importante sélectivité de leur concours, que les ignorants interprètent comme un gage de qualité d’une formation.

Les universités, qui n’y sont pas autorisées, ne sont pas en reste. Elles mettent en place de nombreuses filières ou parcours qui, de droit, sont sélectifs. Et pour la voie générale, la sélection s’opère dans les faits au cours de la première année de licence. On ne voit pas très bien pourquoi cette sélection serait davantage un « gâchis » ou une « sélection par l’échec » que celle opérée par les concours d’entrée dans les grandes écoles, mais, à force de se l’entendre dire, certains ont fini par le croire.

 Frilosité gouvernementale

Au final, le seul acteur qui n’ose habituellement pas parler de sélection à l’université, c’est le gouvernement. Un simple rôle d’arbitre entre universitaires et organisations étudiantes n’est pourtant pas à la mesure de la responsabilité que lui confèrent les 25 milliards d’euros de fonds publics destinés chaque année à l’éducation supérieure.

L’avant-projet de loi  présenté par Frédérique Vidal constitue, il est vrai, une première reprise en main du dossier. Toute action visant à renforcer les liens entre le secondaire et le supérieur, comme celle associant les professeurs de lycée à l’orientation des futurs étudiants, est souhaitable. Diverses expérimentations ont révélé l’importance de ces liens sur le parcours universitaire des bacheliers.

L’avant-projet de loi ne se focalise néanmoins que sur une des dimensions du problème. On peut certes mieux informer ceux qui n’auraient pas les compétences requises de ce qui les attend à l’université, mais les « erreurs d’orientation » ne représentent qu’une partie des très nombreuses demandes adressées à certaines universités, qui sont tout simplement plus attractives que d’autres du fait de la qualité de leurs formations.

On peut le regretter mais on ne peut pas feindre de croire que toutes les licences se valent aujourd’hui en France. Nous devons accorder une priorité d’affectation aux lycéens les plus méritants ; ce sera toujours plus juste qu’un autre mode d’allocation engendré par un obscur logiciel, une sectorisation ou un tirage au sort. Une sélection au mérite peut se faire très simplement et très équitablement en utilisant les notes et mentions obtenues à l’examen national du baccalauréat.

Encourager la mobilité sociale

Cette réforme devra évidemment s’accompagner d’une réflexion plus difficile sur les budgets publics par étudiant alloués aux établissements d’enseignement supérieur. Plutôt que de favoriser de manière inconsidérée les plus sélectifs, il faut encourager les initiatives pédagogiques et la mobilité sociale. Par ailleurs, le rôle stratégique du gouvernement ne doit pas s’arrêter à la sélection à l’entrée dans le système et un choix politique crucial doit être fait en matière de sélection des étudiants entre les filières.

Chaque année, moins de 10 % des diplômés ont reçu une formation en mathématiques ou informatique, une proportion équivalente de celle des diplômés d’arts et lettres. Les ingénieurs représentent, quant à eux, 15 % des diplômés, contre 20 % en Allemagne. Si la France veut être au coeur de la révolution numérique et veut renouveler sa stratégie industrielle, il est certain qui va falloir intervenir dans les « libres choix » des étudiants et des établissements.


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