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UE – Russie, chacun ses armes

flag-eu-russiaEn début de semaine, les Etats-Unis et l’Union européenne ont allongé la liste des personnalités russes interdites de séjour et dont les actifs seront gelés. Les deux puissances ont aussi réitéré leur menace de véritables sanctions économiques si Moscou venait à mettre un pied (voire deux) dans l’Est de l’Ukraine. Mais quelle peut être l’efficacité de telles sanctions ? Selon l’institut de recherche Peterson en économie internationale, qui a étudié 204 épisodes de sanctions économiques depuis la seconde guerre mondiale, les sanctions sont au moins partiellement efficaces dans environ un tiers des cas. Sans surprise, elles fonctionnent mieux lorsque l’objectif n’est pas trop ambitieux : plus facile d’obtenir la libération d’un prisonnier politique que le respect général des droits de l’homme. Lorsqu’il s’agit, comme dans le dossier ukrainien, de stopper une aventure militaire dans un pays tiers, les chances de succès sont seulement de 20%. Dans une note publiée le 25 avril sur le site de référence Vox, Peter van Bergeik, professeur à l’université Erasme de Rotterdam, étudie la probabilité de succès de sanctions économiques envers la Russie, à partir d’un modèle probabiliste estimé sur les données du Peterson Institute. Deux variables jouent un rôle clé dans son modèle. D’abord, la part du commerce avec les pays appliquant les sanctions dans le PIB du pays sanctionné. Les choses se présentent plutôt bien de ce point de vue : les exportations russes vers l’Union européenne représentent 22% du PIB russe. Pour peu qu’ils fassent front commun (ce qui reste à démontrer), les Européens ont là un moyen de pression puissant, d’autant que pour eux, le commerce avec la Russie ne représente que 3% du PIB. Notons au passage que les Etats-Unis ont absolument besoin de l’Europe dans leur stratégie de sanction, car ils représentent, eux, une part négligeable du commerce de la Russie. La seconde variable déterminante pour l’efficacité des sanctions est nettement moins favorable puisqu’il s’agit du régime politique du pays sanctionné. Selon la base de données Polity IV, l’Europe obtient un score de 10/10 en matière de démocratie, contre un médiocre 5/10 pour la Russie. Or dans un pays peu démocratique, le mécontentement populaire lié à la dégradation de l’économie a moins d’influence sur la décision politique. À partir de ces deux éléments et de la durée des sanctions, notre économiste néerlandais évalue à 50% au mieux la probabilité que des sanctions de l’UE contre la Russie réussissent. Ce chiffre paraît élevé, mais il ne tient pas compte des représailles : même si la Russie représente une part limitée des exportations européennes, la note élevée de l’UE en matière de démocratie rend toute mesure de rétorsion très redoutable. Ainsi, des sanctions russes à l’égard de l’UE auraient une probabilité de 40% de faire plier les européens. Or le modèle ne prend en compte ni la division des européens, ni leur difficulté à se passer du gaz russe. On mesure ici que la puissance commerciale ne suffit pas pour peser sur les affaires du monde quand on est une grande zone démocratique ; il faut aussi l’unité politique. C’est toute la différence entre l’Europe et les États-Unis.

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