" Osons un débat éclairé "

Où va la parité euro/dollar et quelles conséquences en attendre ?

Donald Trump investi 45e président des Etats-Unis, opérateurs et décideurs économiques attendent de voir s’il applique réellement les mesures annoncées ces dernières semaines. Quelles conséquences sur le dollar et la parité du billet vert avec les autres devises internationales ? Jean-Paul Pollin passe en revue les éléments qui pèseront dans les prochaines semaines.

Après avoir applaudi, à leur manière, l’élection de Donald Trump, les marchés des changes, comme les marchés boursiers, donnent l’impression d’hésiter. Comme s’ils attendaient confirmation des promesses qui leur ont été faites et comme s’ils commençaient à douter du futur qui leur a été dessiné.

A court terme pourtant l’évolution à venir des changes, et notamment de l’euro/dollar, est assez prévisible. Les restrictions aux importations, la volonté de relocalisation de certaines productions, devraient réduire les déficits des comptes courants américains. D’autre part, les baisses d’impôts sur les entreprises et les dérèglementations de diverses activités devraient provoquer des entrées de capitaux, qui seront d’ailleurs bienvenue pour financer les « grands travaux » envisagés. De plus, la Fed a maintenant bien amorcé la remontée de ses taux d’intérêt qui devrait s’accélérer dans l’année en cours puisque l’activité et l’emploi sont revenus à des niveaux jugés satisfaisants (du moins si l’on néglige le « mystère du taux d’activité ») ; tandis que l’inflation repart et devrait être amplifiée par la taxation des importations et par la limitation de l’immigration.

Or, dans le même temps, les autres banques centrales prolongent presque toutes l’orientation accommodante de leur politique. En particulier la BCE qui, jeudi 19 février, a laissé inchangés ses taux, en indiquant qu’ils le resteraient longtemps encore. Elle a aussi confirmé les conditions et l’horizon de son programme d’assouplissement quantitatif en écartant l’idée d’un allègement ou d’une interruption anticipée. Enfin, elle a tenu à préciser la définition de son objectif d’inflation qui devrait éviter de la rendre trop réactive à l’évolution des prix des matières premières, ce qui est sage.

Tout ceci va clairement dans le sens d’un renforcement du dollar par rapport aux autres devises, et notamment par rapport à l’euro, même si une partie du chemin a déjà été effectuée. La question, c’est que cette évolution n’est pas faite pour plaire à monsieur Trump puisqu’elle est évidemment contraire à son objectif de relance de la compétitivité US. Après avoir critiqué Janet Yellen pour sa politique de taux trop bas, selon lui, il devrait sans doute la prier (sans aucune chance de succès) de les monter plus modérément.

La question, c’est aussi que le protectionnisme du nouveau président pourrait bien ne pas fonctionner comme il l’espère. D’abord parce qu’il provoquera sans doute des rétorsions de la part des autres pays. Ensuite parce que les investissements en infrastructures risquent d’être lourds pour les finances publiques et pousser à la hausse des taux. Enfin, parce que la relocalisation contrainte de certaines activités peut être coûteuse en termes de compétitivité, de profitabilité, de baisse du pouvoir d’achat… sans assurer le reclassement des exclus de la mondialisation. De sorte que la fin de l’histoire pourrait être fort différente de celle qui a été racontée. L’effet le plus vraisemblable de la politique promise sera celui (indésirable) de la hausse du dollar, les autres étant bien plus hypothétiques.

Ajoutons qu’un rebond du dollar n’est pas nécessairement une aubaine pour le reste du monde, et en particulier pour la zone euro. Des travaux récents de la BRI montrent qu’un choc de ce type peut engendrer un affaissement d’ensemble du commerce international, pour des raisons qu’il serait trop long de détailler ici. Disons que cela peut rendre plus difficile le financement de l’internationalisation des chaînes de production et inciter à leur raccourcissement. Un dollar fort induirait alors des pertes globales de productivité et ne profiterait finalement à personne. On imagine bien que ce genre d’argument n’est pas de nature à troubler les convictions de Donald Trump. Mais celui-ci n’est, en principe, élu que pour quatre ans.

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