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Financer l’essor des PME en Afrique

« Développement durable et dette soutenable, trouver le juste équilibre ». C’est le thème de la Conférence de Dakar organisée par la Présidence sénégalaise, le FMI et le Cercle des économistes, lundi 2 décembre 2019. Selon Christian de Boissieu, financer le développement des pays d’Afrique subsaharienne doit passer par le private-equity. L’économiste explique pourquoi le capital-investissement est la voie du salut pour les pays de la région.

Pour soutenir ses prometteuses perspectives de croissance et ses besoins de financements publics et privés, l’Afrique va devoir compter sur l’émergence de places financières plus actives et plus liquides que celles existantes aujourd’hui. En combinant des stratégies nationales et des logiques d’intégration financière régionale.

En pratique, les entreprises peuvent se financer auprès des banques, mais aussi via les marchés financiers ou grâce à des fonds d’investissement. C’est vrai en Afrique comme ailleurs. Mais le temps nécessaire pour disposer de bourses résilientes, et les contraintes réglementaires sur les banques – grosso modo le continent africain est dans Bâle III ou est en train de rejoindre les standards internationaux – conditionnent déjà l’accès aux financements des PME africaines.

En pratique, l’Afrique a besoin de beaucoup plus de capital-investissement (« private equity »). Certes, il progresse, mais les encours restent aujourd’hui modestes. Par ailleurs, le PE demeure concentré dans les pays anglophones, où la culture et les traditions financières s’y prêtent mieux. Ensemble, l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Kenya accueillent 60% des 200 fonds d’investissement recensés fin 2018 sur le continent africain. Un rattrapage s’impose donc du côté des autres pays africains.

Le contexte africain est favorable au décollage du PE pour plusieurs raisons : 1/ L’épargne y est abondante, formelle ou informelle. Avec les bons véhicules financiers et une fiscalité adaptée, il faut l’attirer vers les PME, vers les financements longs (infrastructures, transition énergétique…) et vers des investissements favorables à une croissance plus inclusive. 2/ La technologie monétaire et financière en Afrique est à niveau. En matière de fintechs, de plateformes, de  moyens de paiements, l’Afrique n’a pas de complexes à faire vis-à-vis des autres continents. 3/ Les talents sont là, mais il faut les retenir par un contexte incitatif. Le défi de toutes les places financières, émergentes ou déjà émergées, est d’attirer et de savoir garder d’excellents professionnels sur un marché des compétences devenu mondial.

Pour que la triade épargne / technologie / talents fonctionne bien, il faut lui adjoindre quelques ingrédients de première importance. La structure même du PE est centrale, on le constate partout. L’Afrique doit s’efforcer de privilégier les stades amont que sont le capital-innovation (ou capital-risque) et le capital-développement. Les incitations fiscales sont cardinales, à la fois pour les entreprises à financer et pour les investisseurs. Pour ces derniers en particulier, la fiscalité est un levier puissant pour améliorer le couple rendement-risque et attirer des fonds vers cette classe d’actifs. Le rendement espéré doit être suffisamment attractif pour compenser la relative illiquidité des véhicules du PE, et ceci s’applique en Afrique comme partout ailleurs.

La réglementation du PE doit être adaptée au contexte et aux ambitions des pays africains. Donc, ne pas recopier exactement ce qui existe en la matière dans l’UE ou aux Etats-Unis, mais faire preuve de pragmatisme en privilégiant des réglementations au niveau des sous-régions (en Afrique de l’Ouest, UEMOA et CEDEAO, en Afrique centrale la zone CEMAC,…). La dynamique du PE est loin d’être figée au plan mondial, et on peut même penser qu’elle pourrait bénéficier des innovations, des succès et des défis rencontrés en Afrique.

Tous ces sujets et beaucoup d’autres qui leur sont liés vont être abordés le 2 décembre prochain lors de la Conférence organisée à Dakar par le FMI, la Présidence sénégalaise et le Cercle des économistes sur le thème « Développement durable et dette soutenable ».

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