" Osons un débat éclairé "

2020 : l’année du « biopouvoir » ?

Alors que la campagne de vaccination va débuter dans quelques jours et que les sceptiques diffusent leurs craintes, le monde médical et scientifique répond en comparant les inconvénients minuscules du vaccin à ses avantages colossaux. Il ne fait que reprendre l’argumentaire développé le 16 avril 1760 par Daniel Bernouilli devant l’Académie Royale des Sciences de Paris. La vaccination n’existait pas encore mais le débat faisait rage sur l’opportunité de la variolisation des enfants. Bernoulli propose un modèle mathématique montrant que la létalité induite par l’inoculation de la variole est bien plus faible que celle engendrée par l’épidémie. Dans cette communication, il développe non seulement une des toutes premières analyses « coût-bénéfice » mais créé aussi le tout premier modèle épidémiologique. Les modèles de l’Institut Pasteur, qui nous prédisaient que la Covid-19 engendrerait 400.000 morts « si rien n’était fait », ont des fondements proches de celui de Bernoulli.

Cette mise en scène reste d’actualité et nous allons assister dans les semaines à venir à la vaccination, probablement publique, de la reine Elisabeth II et de tous les responsables politiques du monde entier.

Si Louis XV avait alors créé un Conseil Scientifique, il est probable que Bernoulli en aurait été le président. C’était trop tôt -le pouvoir politique n’était pas encore dévoué à la santé des populations- mais cela viendra vite. Ainsi, le 18 juin 1774, on annonce que l’on a inoculé au jeune Louis XVI le virus de la variole, responsable de la mort de son grand-père un mois plus tôt. Cette mise en scène reste d’actualité et nous allons assister dans les semaines à venir à la vaccination, probablement publique, de la reine Elisabeth II et de tous les responsables politiques du monde entier.

Pour Michel Foucault, l’analyse de Bernouilli est une des étincelles qui vont progressivement éclairer les pouvoirs politiques et les convaincre que la préservation de la vie de leurs sujets relève de leur responsabilité. Ce « biopouvoir » s’exprime par exemple dans la volonté politique de suivre les prescriptions des hygiénistes du XIXème ou de mettre en place un système publique de soin et une couverture maladie au XXème. On pourrait penser que le biopouvoir a atteint son paroxysme avec la Covid-19 tant la communication politique autour des questions de santé, allant jusqu’à détailler comment se laver les mains ou combien de fois il faut ouvrir la fenêtre, a été omniprésente. Pourtant, ce n’est pas le cas, et ce pour deux raisons.

Au niveau du pouvoir central, 2020 restera davantage l’année de la concentration extrême du pouvoir économique et financier dans les mains du politique. Le gouvernement a depuis mars la possibilité inédite de décider quels secteurs pourraient travailler et commercer normalement. Le fait du prince sur les stations de ski, les salles de spectacles, les restaurants, … est total. Ce pouvoir est par ailleurs démultiplié par la capacité de l’Etat à s’endetter apparemment sans limite et à subventionner qui bon lui semble. Jamais l’Etat n’aura été aussi fort et l’économie privée aussi faible.

Au niveau des pouvoirs locaux, c’est tout le contraire. Cela fait bien longtemps qu’ils n’ont plus de pouvoir économique, l’immobilier excepté. En revanche, les 600.000 élus locaux ont totalement colonisé les secteurs de la santé, du médico-social et du social en France. Impossible de trouver un organisme public qui ne soit présidé par un élu. Impossible de trouver un Conseil d’administration ou de surveillance où ils ne sont pas pléthoriques. Il est toujours facile de critiquer les bureaucrates jacobins, mais ne devrait-on pas, après la crise, demander plutôt des comptes aux responsables de la gouvernance des établissements de soin ?

Les Thématiques