" Osons un débat éclairé "

Augmenter les salaires et doter chacun d’un capital initial

Deux thèmes se sont invités dans cette campagne présidentielle : celui du pouvoir d’achat et de l’augmentation des salaires, et celui de la transmission des patrimoines. Ces deux thèmes sont en fait liés et témoignent du décrochage du bas de la classe moyenne. La politique monétaire pour sortir de la crise des dettes souveraines puis de cette pandémie a sauvé l’économie. Mais elle a comme dommage collatéral d’avoir contribuer à ce décrochage en alimentant l’inflation immobilière. La question de la politique fiscale à mener pour en compenser les effets reste posée.

« Il est de plus en plus difficile pour des enfants de parents non propriétaires de devenir accédant »

La hausse du prix de l’énergie est la cause immédiate de la question salariale. Cependant, en filigrane, se repose la question du faible niveau des salaires nets en France, alors même que le coût du travail est l’un des plus élevés en Europe. En cause également le fait que les jeunes démarrent avec un salaire en proportion du salaire moyen dans l’économie un peu plus bas que celui de leurs aînés.

La question de la transmission des patrimoines peut être abordée en regardant vers le haut ou vers le bas. Selon les chiffres du World Inequality database, la part du 1% le plus fortuné reste constante autour de 10% sur la dernière décennie. La concentration du patrimoine dans les mains des plus riches n’a pas augmenté. En revanche, il est de plus en plus difficile pour des enfants de parents non propriétaires de devenir accédant. Si c’était par choix, l’économiste ne s’en émouvrait pas. Mais la proportion de propriétaires enfants de propriétaires dépasse désormais de plus de 15 points celle de propriétaires enfants de non propriétaires, alors que l’écart n’était que de 8 points en 2004. La marche est devenue trop haute pour beaucoup de ménages que les parents ne peuvent pas aider. Le statut d’accédant se dérobe pour des salariés modestes, source de frustration dangereuse pour l’équilibre social.

Réduire les inégalités de patrimoine ou augmenter les salaires ?

La raison en est connue, le prix du logement a augmenté plus vite que les salaires. Le coût du foncier est responsable. C’est une ressource non produite, en quantité donnée. Le crédit à très bon marché s’est traduit par l’inflation du prix de cette ressource, ressource que l’on s’emploie à raréfier par ailleurs pour des raisons environnementales de sobriété foncière. Deux solutions s’offrent à nous pour tenter de remédier à cette situation.

La première solution consiste à réduire l’inégalité des patrimoines et à garantir à chacun un patrimoine minimal. Le Conseil d’Analyse économique dans une note récente a récemment chiffré ce que rapporterait un renforcement très conséquent de la progressivité des droits de successions. 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires permettrait de doter chaque jeune français d’un pécule de 10 000 €. Il est douteux que ce pécule soit suffisant pour permettre à un jeune ménage impécunieux de crédibiliser son plan de financement pour devenir propriétaire.

La seconde solution consiste à agir simultanément sur les deux phénomènes causaux du décrochage du bas de la classe moyenne : augmenter les salaires, tout en faisant baisser le prix du foncier. Comment ? En organisant une bascule fiscale : la diminution des cotisations sociales salariales est compensée euro pour euro par une taxe sur la valeur du foncier. Les avantages sont nombreux et sont développés dans un livre récent. Une proposition de plus pour la présidentielle de…2027 !

 


 

Alain Trannoy est directeur d’études à l’EHESS. Il est l’auteur avec Étienne Wasmer de « Le grand retour de la terre dans les patrimoines, et pourquoi c’est une bonne nouvelle » (Éditions Odile Jacob, 2022).

Les Thématiques