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Bâle ou les insuffisances de la régulation bancaire

L’accord Bâle III va renforcer la stabilité des systèmes bancaires. Il reste cependant trop rigide face à la plasticité des nouveaux comportements bancaires.

Début décembre, le groupe supervisant les travaux du Comité de Bâle a annoncé qu’il validait le compromis trouvé sur l’harmonisation des règles prudentielles et que cela marquait la finalisation de l’accord de Bâle III. Les marchés ont alors salué l’événement par une hausse des cours boursiers des grandes banques. Parce que cet achèvement écartait l’éventualité de nouveaux durcissements de la réglementation, mais aussi parce que le délai prévu pour opérer l’harmonisation s’étale jusqu’en 2027. Il faudra donc vingt ans pour que toutes les leçons de la crise soient tirées.

Il est vrai qu’au terme de ce long processus, la stabilité des systèmes bancaires se trouvera notablement renforcée. On observera cependant que les ratios de fonds propres exigés se situent légèrement sous le bas de la fourchette des valeurs optimales (entre 15 et 23 %) estimées par la plupart des travaux réalisés sur ce point.

Qui plus est, les niveaux des surcharges en capital applicables aux banques systémiques semblent bien insuffisants : entre deux et quatre fois trop faibles par rapport à ce qui est considéré comme souhaitable par diverses études. Dans le même ordre d’idée, ajoutons que le dispositif, hors Bâle III et propre à l’Europe, d’absorption des pertes en cas de défaillance des banques de moindre importance (le MREL) fait toujours l’objet de discussions difficiles entre les pays membres.

« Shadow banking » et fintech

Ces réserves suggèrent qu’il serait imprudent de croire que les termes de la nouvelle réglementation sont définitivement fixés tant ils suscitent des stratégies de contournement. De sorte que les systèmes réglementaires se succèdent sans atteindre les objectifs recherchés ; et Bâle III subira fatalement le même sort. Car l’espace des arbitrages possibles est vaste ; en particulier, il est probable que les banques chercheront à loger une partie de leurs risques dans les institutions non bancaires (le « shadow banking ») qui sont encore peu et diversement régulées.

En ce sens, le développement des fintech de crédit devrait faciliter ce genre de relocalisation des risques. Tandis que se constituera un nouveau canal de transmission de l’instabilité financière, du fait des liens qui s’établiront entre les deux types d’institutions : financement des fintech par les banques, vente de crédits titrisés sur les plates-formes, commercialisation des produits des unes par les autres…

Pour une dose de discrétion

Le fond du problème tient à la rigidité de la régulation face à la plasticité des comportements bancaires. Pour y répondre, il faudrait donc introduire de la souplesse dans le cadre réglementaire pour lui permettre de s’adapter aux changements dans les caractéristiques des portefeuilles et des activités bancaires, dans les relations entre institutions… Or, en ce domaine, les organismes de supervision disposent d’informations précises qui pourraient être utilement mobilisées. Mieux encore, ils sont à même de pratiquer sur ces informations des « stress tests », à l’image de ce qu’ils réalisent déjà sur la base de scénarios macroéconomiques.

En l’occurrence, il s’agirait d’évaluer l’impact sur la situation des établissements de chocs défavorables sur certaines classes d’actifs ou d’activités ayant connu une forte croissance ou une forte rentabilité dans un passé récent. Les résultats, s’ils révélaient des risques mal couverts, pourraient alors donner lieu à une hausse des charges en capital et des demandes de recapitalisation.

En d’autres termes, il s’agirait de mettre une certaine dose de discrétion dans le processus de régulation. On objectera sans doute que cette proposition est de nature à rendre plus incertain l’environnement stratégique des banques. Mais on répondra que c’est peut-être la meilleure solution pour éviter d’avoir à ouvrir demain le chantier d’un Bâle IV.

 

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