" Osons un débat éclairé "

Le bitcoin cache-t-il une forêt de blockchains ?

Les entreprises de la French Tech seront cette année encore présentes en force au Consumer Electronics Show (CES), le grand salon de l’électronique de Las Vegas. Jusqu’au 12 janvier, la France y sera représentée par 365 sociétés, collectivités et organisations. Patrice Geoffron explique pourquoi, pendant cette édition, le bitcoin et la blockchain seront sur toutes les lèvres.

L’ouverture du Consumer Electronics Show (CES 2018), grand-messe annuelle à Las Vegas, fournit l’occasion de revenir sur l’une des technologies les plus en vue, la blockchain, placée sous la lumière par l’envolée de la crypto-monnaie Bitcoin en 2017.

De nombreuses startups présentes au CES 2018 embarquent la blockchain, avec souvent l’espoir d’une levée de fonds. En 2017, ces ICO («Initial Coin Offering», les IPO de l’univers blockchain) ont drainé 4 milliards de dollars, soit 40 fois plus environ qu’en 2016.

Et comme ces levées de fonds sont libellées en crypto-monnaies (Bitcoin, Ethereum, etc.), leur contrevaleur en dollars avoisine sans doute les 10 milliards en ce début 2018.  Au delà de ces start-up, près de 6 grandes entreprises sur 10 (d’IBM à Wall Mart, selon une enquête de Juniper Research en 2017) testent des solutions recourant à la blockchain, avec un déploiement dès 2018 pour les plus proactives.

Un large potentiel de désintermédiation

Pour comprendre cette profusion, il faut revenir à la définition de la blockchain qui est une « technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle» (selon Blockchain France). En d’autres termes, une blockchain tient un grand registre de transactions, largement «distribué», et réputé infalsifiable, notamment grâce à cette dissémination dans le réseau. Considérée par un économiste, cette dissémination est la caractéristique qui retient avant tout l’attention : Bitcoin est moins fascinant pour être une monnaie virtuelle (et possiblement une de ces bulles qui parsèment l’histoire depuis quelques siècles et font toujours un bel effet au moment d’éclater) que pour être dénuée de banque centrale.

Les applications de la blockchain portent un large potentiel de désintermédiation, en réduisant les coûts de transaction et/ou en améliorant l’efficacité dans des domaines généralement administrés par des «tiers de confiance» : réserve de valeur, enregistrement et transfert d’actifs (financiers, propriété foncière, propriété industrielle ou intellectuelle…), garantie de traçabilité (supply chains dans l’agroalimentaire, le médicament, le luxe, l’énergie…), affichage d’empreinte carbone (système de transport), exécution automatique de contrats (dans l’assurance notamment). Cet énoncé esquisse des menaces de disruption ou la nécessité d’adapter leurs produits et process pour des métiers patinés par le temps (banques, offices notariaux, offices de brevet), mais également pour les nouveaux champions de notre siècle (Uber et consorts) organisés en grandes plateformes et concernés en premier lieu par ce glissement vers la désintermédiation.

Regarder au delà du bitcoin

Dessiner le paysage de la décennie 2020, durant laquelle la blockchain aura largement infusé, est un exercice hypothétique, d’autant que de nombreuses questions structurantes restent ouvertes : comment réduire l’empreinte énergétique de certains protocoles de blockchain pour permettre des usages massifs (le bitcoin est énergivore) ? Quelle régulation de «l’appel à l’épargne» via les ICO ? La sûreté promise est-elle toujours supérieure à celle de tiers de confiance ?

La seule conclusion (d’étape) est qu’il urge d’aller regarder au-delà du bitcoin, pour comprendre que la blockchain ne se résume pas à cette fascinante crypto-monnaie. Ce dont sont convaincus les participants de la COP 23, où de nombreux projets innovants de lutte contre le changement climatique étaient articulés autour de technologies blockchain, pour le meilleur, espérons-le.

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