" Osons un débat éclairé "

La bourse de New-York est-elle surévaluée ?

Wall Street a le vent en poupe. Les valeurs américaines battent des records depuis l’arrivée de Donald Trump à la maison blanche. Jusqu’où ? Jean-Paul Betbeze n’hésite pas à parler de situation explosive

« Le marché boursier a gagné trois trilliards de dollars depuis l’élection du 8 novembre, un record ».  C’est ainsi que s’exprime, le 29 février, le Président Trump devant le Congrès, et avant Snapchat (30 milliards de dollars) ! Cette avancée va-t-elle se poursuivre ? Question décisive, puisque la montée de la bourse américaine entraîne toutes les autres de par le monde avec, en arrière-plan, l’idée que la croissance américaine va se poursuivre, sinon s’accélérer. Elle passerait même à 3,5% en 2018 pour Steven Mnuchin, le Secrétaire d’Etat au Trésor. Le Dow Jones dépasse 21000, alors qu’il était à 17900 début novembre. +16% en quatre mois, et +12% pour le Nasdaq. La bourse est valorisée à près de 20 fois les bénéfices estimés à 12 mois, au-dessus de sa moyenne à long terme de 17,2.

Cette embellie boursière est économique, en liaison avec la croissance américaine, mais surtout psychologique, politique et fiscale. Embellie psychologique et politique d’abord, parce que Donald Trump a promis d’avoir rapidement plus de croissance interne par des dépenses militaires, de grands travaux (1000 milliards de dollars) et des soutiens fiscaux, sans précédent, aux entreprises. Cette croissance interne devrait aider l’emploi, au-delà du plein emploi actuel, par l’engagement de grandes entreprises (Ford, Fiat-Chrysler, General Motors, Sprint, Softbank, Lockheed, Intel, Walmart…) d’investir massivement dans le pays, puis par des mesures de simplifications administratives et d’autres, plus directement protectionnistes (par rapport au Mexique et à la Chine). Pour Donald Trump, il s’agit de ramener 94 millions d’Américains sur le marché du travail et d’en extraire 43 de la pauvreté, toujours selon son discours au Congrès.

Embellie fiscale surtout, avec la proposition de Donald Trump, et de divers membres du Congrès, de déduire de l’impôt les bénéfices réalisés à l’export et de ne pas déduire les achats importés.  Cette taxe à l’import doublée d’une subvention à l’export serait la base de sa politique de baisse de l’impôt, au bénéfice des entreprises exportatrices (DBCT, Destination –  Based – Cash-Flow – Tax). Elle serait complétée par une baisse du taux de l’impôt. Pour l’heure, on n’en sait pas plus, au-delà des déclarations du Président, qui électrisent la Bourse. Il a préféré rester vague sur les modalités. Cette orientation dépendra en effet de l’autorisation du Congrès de remonter le plafond de la dette (nous sommes proches) et de ses préférences fiscales.

Voilà donc où nous en sommes : la bourse a « acheté » les promesses, gage de remontée des profits, en supposant que tout irait très vite au Congrès. Elle ne prend pas les effets pervers de ces mesures, inflation à court terme, compétitivité, réactions, représailles. Les dépenses militaires sont pratiquement acquises (50 milliards de plus), les grands travaux vont s’étaler dans le temps. La baisse de la fiscalité, donc la montée des profits, fera la différence et validera la montée boursière. En même temps, les taux courts vont monter : mars, mai au plus tard. La course poursuite : bourse, taux courts, taux longs est lancée.

Mais, à la suite du quantitative easing, les taux longs sont en retard. Tout dépend d’eux : la bourse peut monter jusqu’au moment où la Fed décidera de réduire son portefeuille obligataire.

Plus de déficit budgétaire et d’inflation, saut des taux longs : le cocktail peut être explosif. Mais ce n’est pas celui que dégustent, aujourd’hui, les marchés. Buvons !

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