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Bourse : faut-il s’inquiéter des SPAC ?

Un nouveau produit financier fait fureur sur les marchés. Appelées « chèques en blanc » ou « coquilles vides », les SPAC (Special Purpose Acquisition Company ») vont jusqu’à inspirer certains rappeurs aux Etats-Unis. Bertrand Jacquillat explique ce succès grandissant et en dresse les perspectives internationales

Une nouvelle institution financière ou un nouveau produit financier ne connaissent un succès durable que s’ils comblent un vide, à l’instar de la création du Second Marché en France en 1983. Celui-ci connut un démarrage foudroyant parce qu’il faisait sauter plusieurs verrous réglementaires détournant les entreprises de la bourse.

Aujourd’hui les SPAC révolutionnent complètement l’approche traditionnelle de l’entrée en bourse en renversant la séquence traditionnelle classique, selon laquelle une entreprise entre en bourse après un parcours réussi, et en s’engageant sur un projet détaillé. Les SPAC au contraire sont des coquilles vides déjà cotées en bourse et qui lèvent des fonds avec pour seul objectif d’acheter dans un certain délai une société non cotée, laquelle, si l’opération se réalise, se retrouve ipso facto cotée en bourse. D’où le nom aussi donné aux SPAC de « blank check companies ».

Pendant presque trente ans, les SPAC, connues de seulement quelques initiés, avaient du mal à concurrencer les autres méthodes de levée de fonds, notamment celles du Private Equity. Celui-ci joue depuis 20 ans un rôle grandissant de financement en fonds propres et de conseil auprès des entreprises qu’il finance, ce qui s’est accompagné d’une incontestable attrition des marchés financiers à partir des années 2000, le nombre de sociétés cotées diminuant drastiquement aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.

Le Private Equity, apanage des investisseurs institutionnels, avait pris le relais de la bourse en finançant de plus en plus longtemps des entreprises de plus en plus grandes. Ceci n’était pas sans créer de frustrations auprès des investisseurs individuels, privés de pouvoir participer au développement et aux succès des entreprises sous Private Equity, et notamment des entreprises emblématiques de la Silicon Valley aux performances mirobolantes. Les SPAC, et notamment aux Etats-Unis où elles font fureur, représentent une modalité alternative à l’introduction en bourse traditionnelle avec des contraintes réglementaires beaucoup plus légères, rendant celle-ci moins coûteuse, et à laquelle peuvent participer les investisseurs individuels. Ces derniers n’y trouvent cependant pas nécessairement leur compte.

Le quotidien Les Echos faisait récemment état d’une étude de l’université Yale sur les performances boursières des SPAC cotées aux Etats-Unis sur une courte période récente de dix-huit mois (1919-juin 2020). Sauf à ce que les SPAC soient parrainés par des sponsors de qualité, les conclusions de l’étude sont décevantes : les performances boursières des SPAC devenues opérationnelles sont négatives à six mois, et nettement inférieures à celles des sociétés introduites en bourse par la voie traditionnelle. Ces résultats ne font que confirmer ceux d’une étude antérieure de l’université St Gallen effectuée à partir d’un échantillon de 105 SPAC et 923 introductions en bourse américaine sur la période 2003 -2015.

En définitive, les SPAC représentent un véhicule utile aux sociétés qui peuvent accéder à la bourse dans des conditions avantageuses, régénérateur pour les bourses elles-mêmes dont le tissu se renforce, et intéressant pour les investisseurs individuels qui peuvent par ce biais avoir accès à des entreprises en croissance, encore faut-il que leurs sponsors soient de qualité.

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