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Changement climatique : trop de freins à l’action

A de rares exceptions près, la prise de conscience de l’urgence climatique est de plus en plus partagée à travers le monde. Pourtant, les actions entreprises restent très nettement insuffisantes. Pourquoi ?

Le réchauffement climatique n’est plus à la une de l’actualité économique et politique. Les émissions de gaz à effet de serre continuent, le réchauffement de la planète se poursuit dans une relative indifférence de l’opinion face aux effets probablement dramatiques d’une telle évolution. Le directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement, Erik Solheim, alertait en décembre 2017 sur « l’écart catastrophique » qui existe entre ce qui est fait et ce qu’il faudrait faire pour maintenir le réchauffement au dessous de 2 degrés, ce qui était l’objectif visé par l’Accord de Paris signé à la suite de la COP 21 en 2015. L’évolution actuelle nous mène plutôt entre 3 et 4 degrés.

Il y a donc une contradiction entre une prise de conscience de la gravité du problème et l’insuffisance des actions entreprises. La prise de conscience s’est développée depuis la COP 21. Les acteurs convaincus qu’il faut agir sont de plus en plus nombreux.  Les villes, les territoires, les ON G et de très nombreuses entreprises ont décidé de lutter contre le réchauffement climatique par l’intelligence énergétique et le développement des énergies renouvelables. Et pourtant, la situation s’aggrave.

Ce qui freine d’abord notre action, c’est l’existence d’un système énergétique extrêmement rigide qui a été mis en place depuis 150 ans. Plus de 80 % de nos consommations énergétiques sont assurées par les trois grandes énergies fossiles, polluantes et non renouvelables : le pétrole (32%), le charbon (29%) et le gaz naturel (22%). Derrière ces chiffres, il y a toutes les infrastructures qui ont été construites, un parc automobile de plus d’un milliard de véhicules, des comportements très rigides et beaucoup d’argent à gagner.

Payer pour les pollutions 

Les différents pays du monde émettent des gaz à effet de serre mais ils ne sont pas enclins à payer pour les pollutions qu’ils engendrent ; ces dernières sont souvent lointaines, diffuses et encore incertaines en termes de localisation et de coûts économiques et sociaux. Un prix international du carbone pourrait être instauré pour corriger les investissements mais, en réalité, on va plutôt assister à la mise en place de marchés du carbone localisés, et il faudra sans doute attendre longtemps pour que ces marchés s’interconnectent et que le prix du carbone soit suffisamment élevé pour induire les changements massifs qui sont souhaitables.

Les actions pour contenir l’augmentation de la température impliquent une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre. Si elles sont insuffisantes, les effets du réchauffement climatique vont s’accélérer et s’amplifier. La liste des bouleversements possibles est très inquiétante : vulnérabilité de l’agriculture, destruction de territoires, dégradation de la santé, bouleversement des écosystèmes.

Dès lors, les pays chercheront, de façon assez individuelle, à développer des stratégies d’adaptation à un réchauffement devenu exogène. Ces actions, difficiles et coûteuses, seront plus faciles à mettre en oeuvre par les riches que par les pauvres. New York et les Pays-Bas ont les moyens de se protéger, pas le Bangladesh, ni les îles du Pacifiques, ni certains pays d’Afrique….

Migrants climatiques

La contrainte de l’adaptation est évidemment de nature à aggraver encore les inégalités planétaires. Inégalités entre les pays riches et les pays pauvres, inégalités dans chaque pays entre ceux qui ont les moyens de s’adapter et ceux qui ne les ont pas. Pour ces derniers, une adaptation possible sera l’émigration. Cela donnera naissance à des flux permanents de « migrants climatiques », une catégorie sans statut juridique dont la prise en charge économique sera coûteuse et difficile.

Le réchauffement climatique a des implications macroéconomiques et macropolitiques que l’on a tendance à ignorer ou à minimiser. La planète et l’économie mondiale deviennent explosives. Il est urgent d’agir. Comme la régulation mondiale est insuffisante, il faut accélérer la prise de conscience pour accroître la pression sur tous les acteurs concernés.

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