" Osons un débat éclairé "

Comment s’acclimater à la fiscalité des carburants ?

Qu’on se le dise : la hausse du prix des carburants à la pompe n’est pas terminée. Les automobilistes l’apprendront, à leur dépend, dès le 1er janvier 2018 avec un nouveau relèvement programmé des taxes. Pour Patrice Geoffron, la priorité du gouvernement doit être d’accompagner au mieux le citoyen vers cette hausse inéluctable des prix de l’énergie.     

Le gouvernement s’apprête à faire face, le 17 novembre, au pic d’une vague poussée par la hausse du prix des carburants. Un recul du cours du baril de 25 % depuis début octobre ouvrira une trêve, dès lors que les distributeurs répercuteront la baisse. Mais un nouvel accroissement des taxes annonce un retour de flamme : au 1er janvier, le diesel augmentera de 6,5 c et l’essence de 2,9 c, parce que la « taxe carbone » est portée de 44 € la tonne de CO2 à 55 €.

Ces éruptions constituent une figure classique, la presse faisant déjà état, le 23 Mai 1911, d’une violente grève des taxis pour ces mêmes motifs (les mêmes conduiront les troupes vers la Marne en 2014). Pourtant, les tensions de 2018, plutôt qu’un « marronnier », forment une charnière dans la politique de transition énergétique française, qui échouera à défaut d’« embarquer » massivement nos concitoyens.

Pour mesurer les enjeux, rappelons que la facture pétrolière (et secondairement gazière) dépassera les 60 milliards en 2018, le double de 2016. Nous subissons donc un choc d’une « magnitude » supérieure à 1 % du PIB, dont la violence éclaire notre dépendance à l’égard des Nations qui déterminent le prix et dont le trio de tête est composé par l’Arabie Saoudite, la Russie et les États-Unis. Lorsque les prix sont bas, comme à partir de 2014, nous refoulons cette dépendance, que nous redécouvrons à chaque choc (pour mémoire : la France produit 1 % de sa consommation).

Protéger la planète, un tel objectif peut, certes, paraître comme théorique et lointain pour beaucoup de nos concitoyens. Mais, plus près de nous tous, réduire nos importations, c’est transformer quelques dizaines de milliards d’euros annuels en réseaux de transport en commun, en mobilité individuelle bas carbone (à l’électricité, ou au biométhane agricole), en habitations plus confortables car mieux isolées… Et, naturellement, c’est ancrer sur nos territoires la valeur ajoutée et les emplois extraits de ces dizaines de milliards. D’autant que l’amélioration de la qualité de l’air réduira des coûts chiffrés à 100 milliards par an par le Sénat en 2014 (en diminuant les dépenses de santé).

Face à cette manne, comment comprendre qu’en 2018, comme en 1911, l’État soit accusé de traire les automobilistes comme des « vaches à lait ». Deux explications. Primo, une collectivité endettée à 100% de son PIB ne peut se risquer à une fiscalité « intelligente » : cela avait été le cas, de 2000 à 2002 (à l’initiative de Lionel Jospin), avec une TIPP dite « flottante » modulée en fonction des variations du prix brut. Cette expérience, éphémère, avait été stoppée car les finances publiques s’exposaient alors aux soubresauts pétroliers, pour en protéger le consommateur.

Aujourd’hui encore, l’État est sous dépendance : pour que sa fiscalité soit acceptée, il faut que les pays qui déterminent les cours les maintiennent au plus bas. Secundo, les consommateurs devraient être associés aux bénéfices liés à la réduction de notre dépendance aux fossiles. Or les dispositifs d’accompagnement (pour la mobilité ou les dépenses de chauffage) sont insuffisants ou mal ciblés, dans un pays dont cinq millions de ménages sont en situation de précarité énergétique.

Tel est le défi de ce gouvernement : faire comprendre à ses administrés que la transition est, économiquement, une très « bonne affaire » pour notre collectivité et rendre même la fiscalité « aimable », en compensant les ménages qui la subissent sans pouvoir s’y adapter à court terme.

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