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Comment expliquer la volatilité du prix du baril ?

L’année 2020 aura été exceptionnelle à plus d’un titre sur le marché pétrolier. D’importantes fluctuations, à la hausse et à la baisse, du prix du brut ont également marqué ces derniers jours et semaines. Comment expliquer de tels mouvements ? Sont-ils le reflet d’une irrationalité des acteurs sur le marché ?

Sans ambiguïté, il convient de répondre par la négative à cette question. Cette dynamique du prix du baril illustre l’incertitude de la situation actuelle, avec des signaux contraires qui influent sur le marché. Pour bien les comprendre, revenons brièvement sur les fondamentaux qui déterminent le prix du brut, à savoir la demande et l’offre de pétrole.

La demande a subi de plein fouet la crise sanitaire, avec la mise à l’arrêt d’une grande partie de l’activité économique au niveau mondial. Les mesures de confinement, la suspension du trafic aérien, la mise en place du télétravail ont entrainé une chute de la consommation et des importations de pétrole, tirant naturellement son prix vers le bas. Du côté de l’offre, 2020 aura vu se raviver les tensions géopolitiques avec l’échec, en mars, du sommet de l’OPEP+. L’alliance traditionnelle entre les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite a aussi battu de l’aile en novembre avec la volonté des premiers d’accroître leur production et remettre ainsi en cause les quotas sur lesquels les membres de l’OPEP+ s’étaient finalement accordés afin d’enrayer la chute du prix du brut.

Les vives fluctuations observées ces dernières semaines sur le marché reflètent l’incertitude affectant la demande et l’offre, avec des facteurs jouant en sens opposé. Côté demande, l’évolution de la pandémie est à l’évidence le facteur clé. La mutation du virus au Royaume-Uni, la crainte d’une reprise épidémique à l’issue des fêtes de fin d’année et de nouvelles mesures de confinement freinent la reprise de la demande et expliquent les mouvements à la baisse du prix. Dans le même temps, le lancement des programmes de vaccination engendre un regain d’optimisme sur les possibilités d’un retour à la normale de l’activité économique, tirant le prix à la hausse. Cette tendance haussière récente s’explique aussi par les mesures et plans de relance mis en place par les banques centrales et les Etats, visant à soutenir l’activité économique. Citons ainsi le renforcement du programme d’achats d’urgence de la BCE et la poursuite de ses mesures de financement, ou encore la prolongation de la politique de rachats d’actifs de la Fed. S’il est évident qu’une reprise épidémique ralentira la consommation de pétrole, ces mesures de soutien économique, couplées au contrôle tout juste acquis du Sénat américain par les démocrates, sont quant à elles de nature à stimuler la demande et à tirer le prix du brut vers le haut.

Du côté de l’offre, les décisions prises par l’OPEP+ seront déterminantes. Certes, si le prix s’inscrit durablement dans une dynamique baissière, les membres de l’alliance sont à même de réagir en bridant leur production, mais le ravivement des tensions géopolitiques ne peut manquer de nous interroger sur le maintien des accords conclus le 5 janvier – production inchangée, hormis une hausse marginale pour la Russie et le Kazakhstan. La transition énergétique a aussi un rôle à jouer, pouvant pousser les pays pétroliers à accélérer leur production de brut à très court terme pour réduire ainsi leurs réserves à long terme.

Au total, le marché pétrolier est face à un contexte toujours très incertain et si un rebond peut survenir en 2021, celui-ci sera fragile et d’ampleur limitée.

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