" Osons un débat éclairé "

Déclaration Finale des Troisièmes Assises Internationales de la Coopération et du Mutualisme

I. Le modèle mutualiste et coopératif a su réaffirmer son poids et sa résilience dans la tourmente de la crise actuelle :

Aujourd’hui, près d’une personne sur sept dans le monde est membre d’une coopérative ou d’une mutuelle, tous secteurs confondus. Depuis l’éclatement de la crise, les entreprises coopératives ont créé, directement ou indirectement, 100 millions d’emplois dans le monde, soit 20 % de plus que les entreprises multinationales. En 2008, les 300 principales coopératives représentaient un chiffre d’affaires cumulé de 1 100 milliards de dollars, soit la moitié du PNB de la France.

Dans le domaine de l’agriculture, les coopératives occupent une place centrale dans presque tous les pays du monde. En Europe, les coopératives agricoles détiennent environ 60% des parts du marché de la transformation et de la commercialisation. Aux États-Unis, les coopératives laitières contrôlent environ 80% de la production laitière. Ce rôle est encore plus visible dans le monde émergent. Au Brésil, les coopératives assurent aussi 37 % du PIB agricole.

Dans le domaine de la banque et de l’assurance, les groupes coopératifs et mutualistes représentent en Europe une part considérable de l’activité de ces secteurs d’activité. Fin 2010, les banques coopératives européennes étaient au nombre de 4 200 et avaient plus de 180 millions de clients, dont plus de 50 millions sont également des sociétaires. En Europe, sur plus de 7 000 sociétés d’assurance 70% sont mutualistes, qui offrent leurs services à plus de 120 millions de personnes dans le domaine de la santé et de la prévoyance. Aux Etats-Unis aussi, on compte plus de 1 000 sociétés d’assurances mutualistes qui représentent plus de 30% du secteur de l’assurance américain, alors que les dix premières sociétés d’assurance japonaises sont des mutuelles.

Certaines entreprises coopératives et mutualistes ont connu de graves difficultés depuis l’éclatement de la crise mais, au global, le mouvement coopératif et mutualiste a renforcé son poids relatif depuis 2008. Et surtout, il a su, dans de nombreux pays, au travers de ses principes, privilégiant la valeur d’usage et le long terme à l’optimisation à court terme du profit, ainsi que la solidarité, atténuer les effets de la crise pour certaines catégories de sociétaires et de clients fragiles.

 

II. Le modèle des entreprises coopératives et mutualistes est porteur de croissance

La résilience du modèle de gouvernance coopérative et mutualiste, et plus généralement son rôle porteur dans la croissance économique, tient en grande partie aux spécificités de son fonctionnement :

La coopération et le mutualisme proposent une alternative robuste au modèle de gouvernance de l’entreprise privée

Le modèle de l’entreprise coopérative et mutualiste possède des mécanismes de gouvernance et de contrôle efficaces, appuyés sur les principes fondateurs du mutualisme : la démocratie, la proximité et la solidarité. L’enrichissement des formes institutionnelles que l’existence de ces entreprises apporte à une économie est catalyseur d’une plus grande stabilité et contribue au dynamisme de l’économie dans lesquelles elles opèrent.

La coopérative et le mutualisme accompagnent les évolutions structurelles de nos économies

Le modèle des coopératives et des mutuelles fait preuve, depuis toujours, d’une formidable capacité d’évolution. Ces entreprises ont survécu à de nombreuses crises et, bien souvent, ont renouvelé leur mode de fonctionnement. Cette longévité est due, entre autres, à leur exceptionnelle capacité d’adaptation. Les réseaux coopératifs et mutualistes se sont construits de bas en haut et cette approche « bottom-up » leur a permis de construire une architecture souple et évolutive capable de s’adapter aux importantes évolutions de l’économie mondiale sur les deux derniers siècles.

La coopération et le mutualisme sont source d’innovation

Les entreprises mutualistes et coopératives ont été, historiquement, des acteurs du tissu social et économique des territoires répondant aux besoins essentiels de leurs populations. Ils ont ainsi contribué à  la lutte contre les inégalités et l’exclusion, et à la promotion de solutions originales pour un développement humain en faveur de tous). Cette histoire leur donne légitimité et cohérence pour se saisir des nouvelles questions sociétales, ou des nouvelles formes que prennent ces questions, comme la préservation de l’environnement, la responsabilité sociale des entreprises, ou l’évolution du travail lui-même.

 III.  Ce potentiel d’efficacité, de robustesse et de croissance ne pourra être réalisé qu’à condition de relever un certain nombre de défis.

Ces défis sont principalement au nombre de trois :

Le défi réglementaire :

L’impératif dans ce domaine est de s’adapter aux évolutions réglementaires mais également de peser sur la prise en compte de la diversité coopérative et mutualiste dans les évolutions futures des réglementations prudentielles nationales et internationales. Le poids considérable des coopératives et des mutuelles notamment dans le secteur bancaire et assurentiel leur donne à la fois cette légitimité et cette responsabilité.

La plupart des régulations en cours d’élaboration ont été conçues sur le modèle de l’entreprise actionnariale et pénalisent ainsi les entreprises coopératives et mutualistes. Ces dernières doivent faire entendre leur voix de manière plus claire afin que soient prises en compte leurs spécificités.

Le défi de la mondialisation :

La crise a peut-être ralenti, mais en aucun cas freiné ou inversé, la progression de l’intégration croissante de l’économie mondiale. Ce mouvement de fond a d’ores et déjà entrainé les grands groupes coopératifs et mutualistes à poser les premiers jalons de leur développement international. La crise a toutefois révélé la fragilité des stratégies de croissance empruntées et l’après-crise les obligera à repenser leur modèle de développement, en mettant au cœur de ce modèle le souci de réconcilier le local et le global et de rechercher sans doute une plus grande coopération au plan international.

Mais, compte tenu des bouleversements technologiques en cours dont on mesure mal encore les conséquences en termes de produits, mais aussi de circuits,  les coopératives et mutuelles ne pourront jouer pleinement leur rôle dans la sortie de crise que si elles font massivement le pari de l’innovation. Elles ont su le faire dans leur histoire, elles ont parfois oublié cet impératif dans le passé récent. Elles se doivent de redevenir un des moteurs majeurs de l’innovation économique et sociale, particulièrement dans les domaines agricoles, financiers et sanitaires.

Le défi de la différence

Le monde coopératif et mutualiste doit, enfin, réaffirmer ses spécificités. L’une des clés du succès des organismes coopératifs et mutualistes était leur capacité de porter un véritable projet social. Dans un monde en profonde mutation, les spécificités du modèle mutualiste doivent être redéfinies, pour éviter les pièges du mimétisme de leurs concurrents et déclinées pour répondre aux besoins et aux préoccupations d’une société de plus en plus complexe et dynamique. Pour continuer à jouer un rôle fondamental dans les économies modernes, les entreprises mutualistes doivent « redécouvrir » leur capacité d’innovation sociale et réincarner de nouveaux projets de société. Dans ce domaine, quatre axes de réflexion doivent être privilégiés : le rajeunissement des dirigeants, la féminisation des instances dirigeantes, la diversité comme principe de pilotage des DRH mais aussi l’intercoopération entre les acteurs mutualistes et coopératifs, qu’ils soient historiques ou émergents.

Face notamment au risque de bi-polarisation des marchés et de nos sociétés et à une mutation technologique et économique qui transforme les modes de production, de consommation et d’organisation des échanges, la coopération et le mutualisme, ne se résument pas à des statuts, encore moins à une rente d’expériences extraordinaires. La coopération et le mutualisme se doivent d’incarner un projet ambitieux : déployer dans un nouveau contexte une économie à la fois efficiente, participative et solidaire.

Cette grande cause enthousiasmante nous dépasse et peut donc nous réunir.

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