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Du bon usage des paquets européens

Du bon usage des paquets européensEn 1987, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, lance l’idée de ce qu’on appellera le « paquet Delors I ». Il sera adopté l’année suivante. Son objectif était de financer la politique de cohésion au sein de l’Union européenne. Pour Jacques Delors, c’était le complément indispensable de la création du marché unique : aux forces centrifuges de la concurrence, il voulait conjuguer les forces de convergence de la solidarité.

La formule politique des paquets européens va connaître, ensuite, un succès considérable. Elle permet, en effet, de traiter simultanément les composantes multiples d’une politique publique et de regrouper sous une forme politiquement pédagogique un ensemble, souvent disparate, de textes qui seraient difficilement présentables à l’opinion de façon séparée. Les regroupements opérés, outre qu’ils permettent de s’adapter à la complexité de la structure juridique des institutions européennes, autorisent la prise en compte de diverses revendications ponctuelles des Etats membres, facilitant ainsi les compromis.

C’est ainsi qu’existent, aujourd’hui, des paquets énergie, un paquet télécoms, des paquets ferroviaires, un paquet routier, un paquet qualité, un paquet Almunia, un paquet lait, des paquets « Erika », etc. Et, bien sûr, le plus connu, le paquet énergie-climat.

Présenté par la Commission, en janvier 2008, il regroupait un ensemble de textes mettant en oeuvre un triple objectif pour 2020, appelé « 3 fois 20 » : diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, augmenter la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation finale d’énergie, réaliser 20 % d’économies d’énergie par rapport aux projections de consommation pour 2020. Il fut adopté par le Conseil européen de décembre 2008, sous présidence française, et voté par le Parlement européen en mars 2009.

Chacun des trois piliers du paquet énergie-climat devait concourir à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De ce fait, des interactions puissantes entre les trois piliers étaient non seulement inévitables, mais vues positivement.

Les réductions d’émissions obtenues par la production d’énergie renouvelable ou par certaines économies d’énergie réduisaient d’autant l’effet attendu du système d’échange de quotas carbone. Ces interactions avaient, d’ailleurs, été analysées dans l’étude d’impact de la Commission accompagnant le paquet énergie-climat, sur la base des travaux de modélisation conduits sous la direction de Pantelis Capros, professeur à l’université d’Athènes.

Cependant, avec la crise et la marche très rapide vers l’objectif d’énergies renouvelables, ces interactions ont abouti au résultat suivant : le système d’échange de quotas, qui devait être l’instrument central de la politique climatique, a vu son rôle se réduire, d’où la chute du prix du quota, tombé autour de 5 euros la tonne, prix qui ne peut plus guider des décisions d’investissement bas carbone. Quantitativement, on peut estimer à environ 10 % des réductions d’émissions celles qui ont résulté du système d’échange de quotas. Qualitativement, sa fonction de sélection des projets aux coûts d’abattement les plus faibles a quasiment disparu.

La Commission a rendu publiques, le 22 janvier dernier, ses propositions pour la politique climatique à horizon de 2030. Significativement, elle les regroupe officiellement sous l’appellation « cadre énergie-climat », même si nombre de responsables restent dans la continuité en parlant de « 2e paquet énergie-climat ».

Tirant les leçons des déboires du paquet actuel, elle a étudié en détail les interactions entre instruments. Sa conclusion est qu’il faut privilégier le système d’échange de quotas par rapport aux deux autres voies, énergies renouvelables et économies d’énergie. Légitimement, la Commission recherche avant tout une restauration d’un prix du quota carbone susceptible d’orienter les choix des acteurs économiques. L’objectif de réduction des émissions serait de 40 % pour 2030 par rapport à 1990. Celui sur les énergies renouvelables serait limité à 27 % et contraignant seulement au niveau européen et, à ce stade, aucun objectif d’économies d’énergie n’a été proposé par la Commission.

La conclusion est claire : les paquets sont une formule utile, à condition que les interactions entre leurs composantes aient été analysées et réfléchies.

 

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