" Osons un débat éclairé "

Energie : les défis du président Macron

Le nucléaire représente 77% de la production d’électricité en France. Emmanuel Macron veut descendre cette part au niveau de 50% d’ici 2025, comme prévu par la loi de transition énergétique, mais est-ce possible ? Et quid des énergies fossiles ?

Avec l’adoption de la loi de transition énergétique pour la croissance verte en 2015, l’Accord de Paris couronnant la COP21 avec succès, la baisse du prix du pétrole – vent porteur pour la faible croissance -, l’énergie aura été l’un des fils de tresse du mandat de François Hollande.

La consultation du programme d’En marche confirme qu’Emmanuel Macron place, en première analyse, ses pas dans ceux de son prédécesseur : réduction de la part des énergies fossiles (avec la fermeture à court terme des dernières centrales à charbon), renforcement des énergies renouvelables en lançant des appels d’offres (éolien, photovoltaïque…) en début de mandat, réaffirmation de l’objectif de 50% de nucléaire en 2025, approfondissement de l’effort de rénovation des bâtiments publics et des « passoires thermiques » qui mettent dans la précarité des millions de ménages,…

« Je garderai le cadre de la loi de transition énergétique. Je maintiens donc le cap des 50%.  » Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 9 février 2017

Mais le président, derrière ces affichages conventionnels, sait bien que sa tâche est d’un tout autre ordre que celle de ses devanciers : depuis le Grenelle de l’environnement, il y aura bientôt dix ans, notre collectivité débat de la transition énergétique et environnementale.

Emmanuel Macron, au terme de ce long cycle, sera, lui, soumis au principe de réalité. Il devra mettre en marche plutôt qu’en débat, produire des résultats et, pour cela, faire la didactique de la transition sur des questions souvent austères.

La transition demande du temps

Cet impératif est d’abord interne avec l’obligation, conformément à la loi, de réduire le poids du nucléaire .

Mais il faudra acter que, pour cette diversification souhaitable, l’horizon de 2025 est hors d’atteinte : dès lors que la demande stagne (notamment du fait des efforts d’efficacité entrepris), garder 2025 en point de mire impliquerait « d’éteindre » une vingtaine de réacteurs en quelques années, capacité impossible à remplacer uniquement par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques produisant de l’électricité au gré des vents et du soleil.

Transformer un système qui délivre de l’électricité en temps réel et en toutes circonstances, tout en maîtrisant les coûts pour entreprises et ménages, requerra plus de temps, évidence qui devra être partagée au plus vite, au risque d’un reniement en fin de mandat (ou dans le courant du suivant…). Un autre enjeu, moins sensible mais aussi crucial, relève de l’usage des énergies fossiles, à réduire de 30 % en 2030.

Comme la France utilise peu de charbon et que le gaz naturel (aux effets acceptables) doit être préservé, il s’agira de restreindre le recours au pétrole, dans l’industrie et les transports. Un tel objectif passe par une vision claire et innovante en termes de transport « bas carbone » (du rail au vélo).

Des pays européens peu coordonés

Mais l’essentiel se jouera probablement au plan externe. Farouchement pro-européen, le nouveau président devra convaincre ses homologues que la stratégie de transition de l’Union n’est pas adaptée aux réalités de la globalisation. L’UE est la zone pionnière en matière de lutte contre le changement climatique, mais – et cela, depuis le traité de Rome – ses efforts sont fragmentés, chaque Etat restant maître de ses choix.

Cela conduit à déployer une transition additionnant 28 (demain 27) stratégies peu coordonnées. Sans surprise, les leaders de l’éolien et du photovoltaïque – demain des batteries et des véhicules électriques – sont asiatiques, la Chine investissant deux fois plus dans les technologies « bas carbone » que l’Europe.

Et, quoi que décide Donald Trump, les Gafa sont déjà, via le Big Data, à l’affût pour capter la valeur ajoutée et les emplois de la transition énergétique.

Avec l’Accord de Paris en héritage, Emmanuel Macron est légitime pour dessiller les Européens sur les enjeux économiques de la transition dans la globalisation. Ne doutons pas que cet objectif soit en bonne place dans son agenda caché.

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