" Osons un débat éclairé "

Epargner pour investir dans les entreprises, quelle efficacité ?

C’est l’un des grands chantiers du gouvernement pour 2018 : la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises). Cette dernière prévoit notamment d’orienter l’abondante épargne des Français vers l’investissement dans les entreprises. Philippe Trainar explique pourquoi les avis sont partagés autour de ce nouveau fléchage de l’épargne.

Le gouvernement a supprimé l’ISF sur l’épargne financière et abaissé le taux maximal de prélèvement sur les revenus de cette épargne au niveau du prélèvement forfaitaire, c’est-à-dire 30%. Il s’agit de mesures d’équité, sachant que la fiscalité actuelle interdit, de fait, tout rendement net positif sur les portefeuilles de titres à taux fixes, et d’efficacité, sachant que cela va inciter à l’investissement dont la France a tant besoin.

Certes, ces mesures ne vont pas bénéficier à l’assurance-vie auquel s’appliquait déjà le nouveau régime, et dont l’avantage principal demeure l’exonération des droits de succession, sous certaines conditions. L’assurance-vie va donc se trouver confrontée à une concurrence accrue des autres produits financiers. C’est dans ce contexte que le gouvernement propose une deuxième réforme… qui vient à nouveau réduire l’attrait de l’assurance-vie.

La loi PACTE prévoit en effet de moduler en fonction de la durée de détention, la garantie des nouveaux contrats d’assurance-vie en euros (les contrats en euros sont les contrats pour lesquels l’épargnant n’a pas choisi un support spécifique plus risqué, comme les actions, mais laisse la compagnie d’assurance déterminer les placements en couverture de son épargne). Les contrats en euros détenus moins longtemps, bénéficieraient d’une garantie de rendement moins favorable, qui pourrait éventuellement autoriser des pertes sur le produit.

Sur le fond, une réforme légitime

Cette réforme va-t-elle dans le bon sens ? Les assureurs sont partagés. D’une part, cette nouvelle législation allègerait les risques que ces garanties leur font porter. D’autre part, elle risque de réduire la collecte de l’assurance-vie, sachant que tous les épargnants qui seront dissuadés d’investir dans les contrats en euros ne se rabattront pas nécessairement vers les contrats en unités de compte plus risqués. Quant au fond, cette réforme est légitime car il est normal de traiter mieux les investissements longs que les investissements courts, connaissant le biais des épargnants à l’encontre des engagements de long terme (ce biais a été mis en évidence par le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman).

Certes, dans l’idéal, il serait préférable de jouer sur la fiscalité et d’accorder la parfaite neutralité fiscale à l’épargne longue, qu’elle soit en euros ou en unités de compte, intermédiée par l’assurance-vie ou non. Pour cela, il faudrait supprimer la taxation des revenus de cette épargne dès lors que celle-ci a déjà été taxée à l’entrée. Le principal intérêt de la disposition prévue par le gouvernement tient à ce qu’elle va inciter les ménages à allonger l’horizon temporel de leur assurance-vie, et va ainsi permettre aux assureurs-vie d’accroître la part des actions et des obligations d’entreprises à long terme dans leur portefeuille d’actifs, sans altérer leur solvabilité prudentielle.

Un «second best» certes par rapport à une réforme fiscale plus ambitieuse mais un « second best » efficace pour doper le dynamisme de notre économie à un moment où elle en a bien besoin. La loi PACTE prévoit aussi de développer et simplifier les produits d’épargne retraite pour les faire converger vers des caractéristiques communes. Sous ce langage sibyllin, le gouvernement reconnaît enfin que le PERCO, qui a connu un succès certain, n’est pas un produit d’épargne-retraite, et que le PERP, qui est bien un produit d’épargne-retraite, n’a guère connu de succès, car trop contraint pour être attrayant… un premier pas dans la bonne direction.

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