" Osons un débat éclairé "

La fiction d’un krach

Le spectaculaire retournement des Bourses mondiales, la semaine dernière, n’était pas un véritable krach.

Le risque de bulles, plutôt que le risque d’une déflation généralisée. Tel est le choix des banques centrales, reflet assez fidèle des préférences collectives, affiché depuis  la gestion du krach d’octobre 1987 et réaffirmé sans limites depuis le déclenchement de la crise mondiale en 2007-2008.

Depuis au moins 1995, nous passons d’une bulle à l’autre… L’explosion d’une bulle entraîne la formation de la suivante, par le report des investisseurs d’une classe d’actifs à l’autre. C’est ainsi que la bulle Internet a été suivie de la bulle immobilière, puis de la bulle énergétique (prix du pétrole à 150 dollars le baril en juin 2008), puis aujourd’hui par des bulles sur une partie du marché obligataire (spécialement les obligations des Etats les mieux notés), sur certaines actions, sur certains marchés immobiliers…

Par leur  politique non conventionnelle (« quantitative easing »), les banques centrales nous ont évité une déflation globale. Ce faisant, en renforçant l’abondance de liquidités, elles ont donné plus d’armes à la spéculation. Que les choses soient claires : nous estimons que les banques centrales ont eu raison dans leur choix et leur refus de la déflation. Le défi de 2018-2019 consiste à sortir de la drogue monétaire, sans trop de casse pour les marchés financiers, pour la croissance et l’emploi.

Séisme ou pas ?

Il est toujours difficile de distinguer ce qui peut apparaître comme un retour de la volatilité après une phase d’accalmie d’un véritable krach, qui, lui, s’inscrit dans le temps et qui, évidemment, signale son démarrage par l’ampleur du recul des marchés financiers. D’autant plus que les krachs financiers peuvent être rapides (octobre 1987) ou lents (explosion de la bulle Internet entre 2000 et 2003).

Bien des éléments de la semaine dernière pourraient apparaître comme les prémices d’un séisme. Or, pour qu’il y ait séisme, il faut que les fondamentaux de l’économie connaissent de véritables difficultés. Ce fut le cas au moment des subprimes, également lors de  La trajectoire de l’économie mondiale est aujourd’hui moins brillante que par le passé, mais elle est solide, au moins pour les deux ans qui viennent.

Certes les défis ne manquent pas : l’endettement mondial incontrôlé, les tensions géopolitiques, les craintes d’une intrusion décisive des technologies sur le marché du travail. Mais rien de tout cela ne permet de remettre en question l’idée que nous sommes sur une sorte de plateau favorable pour l’économie mondiale.

Tout dépendra des politiques monétaires

Deux mouvements bousculent les anticipations : d’une part, l’idée que le partage de la valeur ajoutée va être marginalement remis en cause en Allemagne et aux Etats-Unis, d’autre part, le programme fiscal américain, dont on voit qu’il va creuser les déficits jumeaux. Tout cela crée une angoisse liée d’ailleurs à une incompréhension des mécanismes d’aujourd’hui : l’accroissement des liquidités n’entraîne pas mécaniquement l’inflation traditionnelle, mais il nourrit l’inflation des prix des actifs donc des bulles.

Alors, chacun imagine le pire et anticipe déjà les réactions des banquiers centraux, haussant, comme dans une échelle de perroquets, les taux d’intérêt. La normalisation des taux est certes, à terme, inévitable. Mais l’inflation reste modérée. Il faut éviter un krach et la déroute obligataire style 1994.

Tout dépendra encore des politiques monétaires, en particulier du tempo de resserrement par la Fed, qui doit éviter cette année de surréagir. Tout dépend trop d’ailleurs de ces politiques monétaires, sollicitées depuis des années pour résoudre tous les défis macroéconomiques. Réduire aujourd’hui les déficits publics, c’est indispensable à plus d’un titre, mais c’est aussi une manière de « recharger » pour plus tard, en cas de besoin, l’arme budgétaire et fiscale, et de compter enfin sur un meilleur dosage des différentes politiques économiques.

 

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