" Osons un débat éclairé "

Et si la finance sauvait l’Amérique de Donald TRUMP ?

Après avoir réagi négativement à l’élection de Donald Trump, les marchés financiers se sont rapidement repris mais beaucoup d’observateurs prédisent une période de forte volatilité. Jusqu’à quand ? André Cartapanis explique comment la finance et les marchés pourraient finalement aider le nouveau président américain.

 

L’élection de Donald Trump suscite, à juste titre, d’innombrables inquiétudes sur le plan géopolitique. Examinons plutôt, en les prenant au sérieux, ses principaux engagements en matière économique : la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain, la taxation, jusqu’à 45 %, des produits importés venant de Chine, la réduction de la fiscalité sur les entreprises et les plus hauts revenus, l’accroissement des dépenses fédérales consacrées à la Défense et aux infrastructures, le démantèlement de la loi Dodd-Frank sur les régulations financières et bancaires… Tout ceci est supposé créer à la fois un choc d’offre et un choc de demande de nature à accroître significativement le taux de croissance et l’emploi des américains.

Mais le nouveau président oublie quelque chose d’important. L’économie américaine n’est pas une économie planifiée sous l’égide d’un Gosplan yankee. C’est une économie de marché, soumise à des ajustements issus des décisions d’une infinité d’agents économiques (entreprises, banques, investisseurs) poursuivant leur propre intérêt et réagissant à une recrudescence des risques, notamment sur les marchés boursiers.

Donald Trump peut décider d’augmenter les droits de douanes, de dénoncer les accords commerciaux, de favoriser au plan fiscal le rapatriement des profits des multinationales américaines. Mais il ne peut pas interdire à la Chine ou à l’Union européenne d’adopter des mesures de rétorsion. Il ne peut pas non plus obtenir de l’industrie américaine, sauf dans certains cas et à des prix prohibitifs, qu’elle produise des produits intermédiaires ou des produits de consommation dont la fabrication a été abandonnée depuis 20 ou 30 ans. Il en résultera à la fois un effondrement du commerce mondial, une forte augmentation de l’inflation aux Etats-Unis et une dégradation de la balance commerciale US.

Donald Trump peut décider de réduire la fiscalité des entreprises et des hauts revenus tout en menant un vaste plan de relance des infrastructures publiques. Si les effets sur la croissance peuvent s’avérer positifs à moyen terme, ils ne peuvent pas être immédiats. Par contre, les conséquences sur le déficit budgétaire, et donc sur les besoins de financement du budget fédéral se feront sentir très vite, suscitant une hausse des taux longs, d’autant plus justifiée si l’inflation importée s’accélère. Le dollar devrait alors s’affaiblir, face aux nouveaux déficits jumeaux, risquant même d’inquiéter le premier détenteur de bons du Trésor américain, la Chine…

Mais ce scénario, envisageable à un horizon d’un à deux ans, se heurtera très vite aux inquiétudes des marchés. Les investisseurs n’attendront pas le dénouement d’un tel scénario pour réagir. Leurs anticipations les conduiront à prévoir l’échec d’une telle stratégie, et, pour s’en protéger, ils se désengageront tout de suite des marchés d’actions, ils exigeront immédiatement des primes des risques exorbitantes sur les obligations, ils provoqueront une chute du dollar, une dégradation des bilans bancaires, une chute de la consommation en réponse aux effets-richesse négatifs, et un nouveau credit crunch de nature à induire un effondrement de la croissance américaine. Face à la panique des marchés, Donald Trump devra alors abandonner la plupart des engagements qui lui ont permis d’être élu. La finance et les marchés boursiers auront alors sauvé l’Amérique de Donald Trump !

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