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Hausse des taux d’intérêt aux USA : quelles conséquences pour la zone euro ?

Comme attendu, la Réserve fédérale américaine a annoncé la semaine dernière une nouvelle hausse des taux d’intérêt. Quel impact pour la stabilité financière en Europe ? Jean-Paul Pollin explique pourquoi la zone euro doit moins s’inquiéter de la politique de la Fed que de celle du nouveau président américain, Donald Trump.

Mercredi 14 juin 2017, la Fed a surpris. Non par le relèvement de son taux directeur qui était bien anticipé, mais par le contenu de la conférence de presse de sa présidente qui a suivi cette décision. Ses propos ont en effet été jugés plus « hawkish » qu’attendu. Janet Yellen a expliqué qu’en dépit du petit passage à vide du premier trimestre, l’économie américaine avait retrouvé un rythme de croissance solide (légèrement au-dessus de 2 % pour 2017 et 2018).

Elle a estimé aussi que le léger infléchissement observé dans l’évolution des prix ne devait pas faire oublier le caractère potentiellement inflationniste du faible niveau de chômage (4,3%). Elle a ainsi justifié l’augmentation du taux directeur, mais surtout elle a laissé clairement entrevoir, avant la fin de l’année, une nouvelle hausse de ce taux et l’amorce d’une réduction du bilan de la Fed. C’est-à-dire que celle-ci devrait progressivement arrêter de réinvestir les remboursements des titres achetés dans le cadre du programme de « quantitative easing ».

En dépit de cette « surprise » les taux longs américains n’ont pratiquement pas bougé : les taux à 5 et 10 ans ont même perdu de 3 à 5 points de base sur la semaine. Dès lors, l’impact sur les taux européens des décisions et des commentaires de la Fed a lui-même été insignifiant. D’une semaine à l’autre les taux à 5 ans allemands et français ont augmenté de 5 pb, tandis que les taux à 10 ans ont augmenté de 2 à 3 pb. Quant aux taux des pays du Sud (Espagne, Italie, Portugal), ils ont plutôt reculé (de 9 pb dans le cas du Portugal). De sorte que les spreads de taux entre les pays du cœur de la zone et ceux de la périphérie se sont légèrement contractés.

Ce qui suggère que l’anticipation d’une hausse des taux n’a pas relancé, comme on aurait pu le craindre, la divergence qui a provoqué et entretenu, il y a cinq ou six ans, la crise des dettes publiques et mis à mal l’unité de la zone. De la même manière, les dernières initiatives de la Fed n’ont nullement affecté la parité euro-dollar qui n’a pas évolué sur la semaine. Elle est, du reste, pratiquement stabilisée depuis un mois.

Tout ceci ne signifie pas cependant qu’il existe désormais une déconnexion entre les marchés monétaires et financiers des deux côtés de l’Atlantique. On ne voit d’ailleurs pas comment cela pourrait se faire. On assiste plutôt à une resynchronisation des cycles économiques américains et européens ; et ceci tend à rapprocher l’exercice des politiques monétaires.

La Banque Centrale Européenne va engager elle aussi dans les mois, ou les trimestres à venir, une stratégie de sortie de sa politique non conventionnelle. Avec la même prudence que la Fed, afin de ne pas provoquer de réallocations d’actifs déstabilisantes. Et, dans la mesure où les deux Banques Centrales vont prendre des orientations semblables, leurs actions vont se compléter plutôt que se contrarier.

On ne peut, en revanche, en dire autant des effets possibles des autres politiques économiques américaines. Car lorsque l’on observe les évolutions des taux d’intérêt et du taux de change européens, durant l’année passée, il apparait que le principal choc se situe au moment de l’élection présidentielle US. La perspective d’un important plan de relance, d’un abaissement de la fiscalité des entreprises, de mesures protectionnistes… a exercé alors un effet très significatif sur ces variables financières : en un mois les taux longs s’étaient appréciés de 50 pb, tandis que l’euro s’était déprécié de 7 % par rapport au dollar. Un effet qui s’est ensuite retourné lorsqu’il est apparu que les promesses du nouveau président tarderaient à être mises en place… si elles l’étaient un jour.

Ce n’est donc pas la politique de la Fed qui doit être un sujet de préoccupation pour la stabilité financière européenne. Ce qu’il faut craindre ce sont plutôt les pulsions irrationnelles de l’étonnant monsieur Trump.

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